700 000. C'est le nombre d'élèves français victimes de harcèlement scolaire entre le primaire et le lycée selon une enquête de 2015 de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). Parmi eux, 55% sont touchés par la cyberviolence. Ces chiffres inquiétants se retrouvent tout autour du globe comme aux Etats-Unis où un sondage datant également de 2015 du Center for Disease Control and Prevention a révélé que 20% des étudiants avaient été harcelés dans l'enceinte de l'école et 16% l'avaient été en ligne. Pour remédier au problème, les gouvernements et les associations lancent campagnes et actions pour sensibiliser les plus jeunes mais aussi les adultes. Malheureusement, cela ne suffit pas pour endiguer le phénomène. Ainsi, la ville de Plover dans le Wisconsin a décidé de durcir le ton et a adopté une loi punissant les parents en cas de harcèlement scolaire.
Depuis 2015, si un élève en harcèle un autre, ses parents sont mis au courant par la police. Si dans les 90 jours suivants, le jeune recommence à malmener l'un de ses camarades, ses parents reçoivent cette fois-ci une amende de 124 dollars (soit 100 euros). Et attention, il n'est pas nécessaire que le harcèlement ait lieu dans l'enceinte de l'école, s'il s'agit de cyber-harcèlement, la loi s'applique également. Dan Ault, le chef de la police locale, a expliqué au Stevens Point Journal que cette amende ciblait les parents car il leur appartenait d'élever leurs enfants pour qu'ils n'agissent jamais de la sorte : "Vous êtes le parent. Vous avez une responsabilité là-dedans." Ce dernier a bien insisté sur le fait que ce n'était en aucun cas le rôle de l'école de régler les problèmes de comportement, celui des professeurs étant d'enseigner.
Plover a décidé d'adopter cette loi après qu'elle ait été mise en application dans une autre ville de l'Etat, Monona, en 2013. Et il semblerait que les résultats soient bien au rendez-vous. Ryan Losby, sergent de la police de Monona, a expliqué que dans les deux années suivant la mise en place de cette loi, aucune amende n'a été donnée et seuls trois avertissements ont été émis. Ce dernier souligne qu'il aurait aimé que les étudiants aient répondu à un sondage avant et après la mise en application du texte pour bien montrer qu'il ne s'agit pas d'une simple menace : "Je n'ai aucun doute sur le fait que cela aurait montré une réduction drastique du harcèlement.", a-t-il ajouté. Depuis, de nombreuses autres villes ont adopté ce genre de loi en adaptant les dispositions.
Pour les forces de l'ordre, il ne s'agit en aucun cas de faire payer une amende simplement pour faire payer une amende. Avec cette mesure, elles espèrent voir naître un véritable dialogue entre parents et enfants sur le harcèlement scolaire, mais aussi que cela déclenchera une prise de conscience chez les jeunes pour que les étudiants témoins de harcèlement s'interposent. Comme l'a souligné Dan Ault, il souhaite que cela leur permette d'intervenir avant que les choses ne dégénèrent complètement. Comme on le sait, le harcèlement scolaire peut pousser certains étudiants au suicide comme l'a montré la série Netflix "13 Reasons Why" produite par Selena Gomez. Notons qu'aux Etats-Unis, il est souvent arrivé que des adolescents victimes de ce phénomène soient responsables de fusillades meurtrières dans leurs établissements.
Bien que la police affirme avoir vu des résultats positifs, cette méthode d'intimidation ne convainc pas tout le monde. "C'est intuitivement séduisant de dire que l'on prend le harcèlement très sérieusement et que les parents doivent être tenus responsables. Mais si l'on désire vraiment que la jeunesse ait un comportement pro-social, positif, j'ai du mal à croire que la menace de punir les parents ou le faire sera d'une grande aide", estime Amanda Nickerson, directrice du Alberti Centre for Bullying Abuse Prevention à l'Université de Buffalo interrogée par l'Associated Press.
Charles P. Ewing, professeur de droit pénal à l'Université de Buffalo, confie de son côté au Buffalo News qu'il ne voit aucun bénéfice dans ce genre de loi : "Je ne pense pas que cela soit une bonne idée que soit légalement, constitutionnellement ou dans la pratique. J'ai de sérieux doute sur le fait que l'on puisse imposer une responsabilité criminelle sur un parent pour les actes de son enfant." A son sens, c'est comme si les autorités tapaient du poing sur la table de façon symbolique mais sans véritable effet : "Si cela était perçu comme un problème ayant besoin d'être criminalisé, cela devrait être l'affaire de l'assemblée législative de l'État."
A ses yeux, il est clair que ces amendes ne fonctionneront pas, car dans tous les cas, les parents des enfants harcelés peuvent poursuivre en justice celle de son agresseurs et les amendes sont tellement rares et basses "qu'il est plus simple de payer et d'ensuite engager un avocat pour la contester et faire appel."
Malgré tout, cela n'empêche pas de plus en plus de villes d'adopter ce genre de sanction. Comme l'a rapporté le Miami Herald, c'est le cas de Shawano (Wisconsin) qui envoie une amende de 366 dollars (environ 300 euros) s'il y a récidive dans les 90 jours et une autre de 681 dollars (550 euros) s'il se passe quelque chose dans l'année suivante. Et certaines vont plus loin comme à North Tonawanda près de Buffalo où la punition peut être de 250 dollars (200 euros) ou/et 15 jours de prison.