Le Conseil Constitutionnel a statué vendredi sur la loi sur le harcèlement sexuel, dont la formulation a été jugée trop floue : elle a été censurée et abrogée dans l’immédiat. Une abrogation qui « est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement », comme le précisent les Sages. Une décision qui signifie que jusqu'à ce qu'un nouveau texte soit adopté par le législateur, les personnes dont le procès est en cours pour harcèlement sexuel ne peuvent plus être condamnées pour cette infraction.
Le Conseil Constitutionnel avait été saisi par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par Gérard Ducray. Ce conseiller municipal de Villefrance-sur-Saône (Rhône), âgé de 70 ans, avait été condamné en appel en 2011 pour harcèlement sexuel à trois mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende. Il considérait que le code pénal, laissant au juge une trop grande marge d'appréciation des éléments constitutifs du délit qui lui était reproché, permettait « tous les débordements, toutes les interprétations ».
Un message d’impunité envoyé aux harceleurs
Introduit dans le code pénal en 1992, le délit de harcèlement sexuel était alors défini comme « le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». La loi du 17 janvier 2002 en avait plus tard modifié la définition « pour élargir le champ de l'incrimination », comme le rappelle le Conseil. A travers leur décision rendue aujourd’hui, les Sages du Conseil Constitutionnel ont considéré que les dispositions de l'article incriminé ne respectaient pas « le principe de légalité des délits et des peines ».
Face au vide juridique ainsi créé, les associations et féministes se sont immédiatement soulevées. Ainsi un collectif d'associations et d'organisations féministes (Marche mondiale des femmes, Femmes solidaires, AVFT, Collectif féministe contre le viol...) a jugé « révoltant » le « message d'impunité ainsi adressé aux harceleurs », appelant le législateur à mettre à l'ordre du jour prioritairement le vote d'une nouvelle loi. Mais la loi pénale n’étant pas rétroactive, les associations se désolent du fait que l’on sait d’ores et déjà qu’elle ne s’appliquera pas aux affaires en cours.
De son côté, Roselyne Bachelot, la ministre des Solidarités en charge du droit des femmes, appelle dès à présent la nouvelle Assemblée qui sera élue en juin « à se saisir en urgence » de ce dossier.
Crédit photo : Polka Dot
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