Terrafemina : Pourquoi avoir conclu un accord avec le PS à Paris alors même que vous dénoncez l’action conduite par le gouvernement ?
Ian Brossat : L’accord parisien entre le Parti communiste et le Parti socialiste repose sur des contenus programmatiques. Nous avons obtenu des avancées très importantes de la part d’Anne Hidalgo. La candidate socialiste a notamment repris à son compte l’objectif de 30 % de logements sociaux à Paris d’ici 2030. Cela permettra de faire baisser le coût du logement dans notre ville. C'est une revendication forte portée par le Front de gauche depuis des années. Elle s'est aussi engagée sur la gratuité des premiers mètres cubes d'eau et surtout un arsenal de mesures qui permettront de rendre notre ville moins chère.
Par ailleurs, il convient de différencier la politique d’austérité menée par le gouvernement au niveau national et l’action municipale conduite à Paris. En effet, dans la capitale, le niveau d’investissement public a plus que doublé depuis 2001, 70 000 logements sociaux ont été construits et 10 000 places de crèches ont été créées. La politique menée à Paris n’est pas celle de l’austérité.
TF : L’action gouvernementale a des répercussions sur le plan local. Pouvez-vous réellement déconnecter ces échéances municipales de la politique menée au niveau national ?
I. B : Au niveau national, le gouvernement mène une politique avec laquelle je suis en radical désaccord. Cette politique a incontestablement un impact sur les réalités locales. La gauche tout entière doit donc s’opposer à cette action à l’échelle des territoires. Si nous voulons demain mener des politiques de gauche à l'échelle de nos villes, il faudra s'opposer à l'austérité. A Paris, d'ailleurs, nous le faisons, et Anne Hidalgo elle-même refuse la fermeture des urgences de l'Hôtel-Dieu, par exemple. De même, l'accord entre le PCF et le PS prévoit que nous nous opposerons ensemble aux baisses de dotations de l'Etat à notre collectivité.
Dans les villes où toute la gauche rejette l'austérité, nous pouvons donc nous rassembler. Ailleurs, là où ce rassemblement n'est pas possible, les communistes ont choisi de mener leur campagne sur des listes Front de gauche. Les choix doivent être faits en fonction des réalités locales.
TF : Le Parti de gauche s’oppose à cet accord et a décidé de maintenir ses candidats dans la capitale. Dans ces conditions, pensez-vous que le Front de gauche puisse perdurer ?
I. B : L’avenir du Front de gauche ne dépend pas d’une décision relative à un accord municipal à l’échelle d’une ville, fût-elle la capitale. Notre mouvement va évidemment perdurer. J'y suis personnellement très attaché.
D’ailleurs, les élus du Parti de gauche à Paris, Danielle Simonnet et Alexis Corbière, continuent à siéger dans le groupe que je préside. Nous allons donc poursuivre des combats communs jusqu’en mars et au-delà. J'ajoute que le Front de gauche se présentera uni aux prochaines élections européennes.
TF : Toujours avec le Parti communiste ?
I. B : Le Front de gauche sans les communistes, cela n'existe pas. C'est une vue de l’esprit. Le PCF a été à l’initiative de la création du Front de Gauche en 2009 et en constitue la première force. Le Front de gauche continuera, et il continuera avec le Parti communiste. Notre mouvement est plus que jamais indispensable afin de proposer une alternative positive à la politique d’austérité gouvernementale.
Il reste que nous avons un débat au sein du Front de gauche. Je considère que notre boussole doit être l’intérêt des habitants. Plus les gens sont en difficulté, plus ils cherchent des issues, des solutions. C'est à cela que le Front de gauche doit servir. Aux élections municipales, nous devons nous donner les moyens de construire des majorités qui permettent d’arracher des avancées concrètes pour ceux qui souffrent de la crise au quotidien. C’est tout l’enjeu de ces élections.
TF : Vous évoquez de nombreux points d’accord avec Anne Hidalgo. La candidate a pourtant récemment déclaré, à propos des Roms, que Paris ne pouvait pas être «un campement géant». Avez-vous eu des explications sur ces propos ?
I. B : Depuis des années, la droite instrumentalise cette question. Elle cherche à stigmatiser. Pour ma part, je veux proposer, trouver des solutions. Lors du dernier Conseil de Paris, j’ai obtenu que la ville mette des logements vacants à disposition des populations Roms et lance une étude pour implanter un village d’insertion à destination à destination de cette communauté dans l’ouest parisien. Le rôle de la gauche, c'est de proposer des solutions. C'est ainsi que nous sortirons de la stigmatisation orchestrée par la droite.
Propos recueillis par Xavier Colas