Le 22 octobre 2006, alors qu'elle se trouve à un mariage à Saint-Martin-sous-Montaigu (Saône-et-Loire), Sylvie Dedieu, 44 ans, découvre qu'elle est enceinte et sur le point d'accoucher. Enfermée seule dans les toilettes de la salle des fêtes, elle donne naissance à une fille, arrivée à terme. Alors que le nourrisson est encore en vie, Sylvie Dedieu le dépose dans une poubelle du village. Victime d'une hémorragie, elle doit se rendre à l'hôpital, où les médecins constatent son accouchement. Le corps sans vie du nourrisson est découvert quelques heures plus tard, et son autopsie révèle une « agonie en raison du confinement, aggravée par l'accouchement traumatique ».
Sept ans après les faits, le procès de Sylvie Dedieu a enfin débuté ce lundi devant les assises de Saône-et-Loire. Poursuivie pour infanticide, l'accusée a confessé à la barre n'avoir conversé que des « bribes » de souvenirs de cette journée : « De la douleur, du sang, de la panique et [le sentiment] d'être seule au monde ». Elle a aussi déclaré que le bébé qu'elle venait de mettre au monde « n'avait pas crié ni bougé » et qu'elle l'avait de fait cru mort-né. « Je suis bouleversée, ça fait sept ans que je vis un enfer et j'espère pouvoir me libérer ».
Alors que le parquet avait requis une peine de cinq ans de prison pour « homicide volontaire sur mineur », dont trois avec sursis, Sylvie Dedieu a, contre toute attente, été déclarée irresponsable et acquittée après que l'accusation a été requalifiée en « privations volontaires de soins ayant entraîné la mort ». La cour a en effet estimé que Sylvie Dedieu était « atteinte d'un trouble psychique ou neuropsychique au moment des faits, ayant aboli son discernement ».
Entendu à la barre pour la défense, le professeur Israël Nisand, obstétricien spécialiste du déni de grossesse, a soutenu cette thèse du « déni de grossesse total », expliquant toutefois que l'accusée n'avait pas été victime d'une « grossesse psychique ». « Le déni s'est arrêté le jour de l'accouchement, mais trop tard. Et quand le déni recouvre l'accouchement, on a 25% de décès », a estimé le professeur Nisand.
Pour le professeur Israël Nisand, le drame du déni de grossesse est « extrêmement typique ». Il explique : « Le déni est un mécanisme actif d'oubli mis en place par le psychisme pour s'éviter une souffrance ». Pour l'avocate de Sylvie Dedieu, les dénis de grossesse suscitent « un vrai problème », puisqu'il existerait « 2 000 cas [de déni de grossesse] en France ». Le cas de Sylvie Dedieu est donc loin d'être isolé. Cette dernière a d'ailleurs, durant son procès, tenu à mettre en garde les femmes elles aussi susceptibles de vivre un pareil drame : « À toutes ces femmes à qui il arrive un déni de grossesse, je voulais dire que c'est quelque chose d'horrible. Il faut le faire connaître et se faire aider. Je regrette sincèrement ce qui s'est passé. J'ai beaucoup de culpabilité. Ma petite Marie, je vais souvent sur sa tombe pour m'excuser auprès d'elle », a-t-elle confessé jeudi.
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