Depuis des décennies, on dit aux femmes que pour être belle, il faut qu'elles s'épilent. Que le duvet naturel qui recouvre leur corps (et le protège par la même occasion) ne correspond pas à l'image que la société se fait de la féminité, et donc qu'elles doivent s'en débarrasser à l'aide de procédés plus ou moins douloureux pour se conformer aux diktats de beauté.
Ressembler à des enfants de 12 ans, en gros, pour rester désirable. Une injonction contre laquelle cinq étudiantes belges ont décidé de se révolter grâce au Sens du Poil un compte Instagram où elles affichent des clichés de femmes poilues accompagnés de leurs témoignages.
"On estimait qu'il y avait un vrai manque de représentation du corps des femmes telles qu'elles sont vraiment", explique Margot, l'une des fondatrices, à la RTBF. Elle explique que le projet vient d'une envie de mettre en avant davantage de diversité, de pluralité : "Ce qu'on [voit] dans les médias, ce sont des femmes sans poils, minces, blanches... On voulait montrer une autre image de la femme, loin des stéréotypes."
Le Sens du Poil expose les clichés de celles qui assument fièrement leur corps, leur entrejambe, leurs aisselles ou encore leurs jambes intactes, et livrent quelques mots sur leur relation compliquée avec la pilosité. L'une d'elle explique par exemple qu'elle a longtemps associé ses poils a quelque chose de sale et pensait davantage au regard de son partenaire qu'à son propre choix personnel.
"J'ai pratiquement cultivé une honte de mon corps (bien qu'étant épilée partout sauf sur mon pubis) et sentant son dégoût pour mes poils j'ai commencé à avoir une vision de mon corps complètement calquée sur celle que mes amants auraient de celui-ci", confie-t-elle sous sa photo. "Je voulais plaire et je sentais que je devais absolument me plier à certaines normes esthétiques et soi-disant hygiéniques pour être désirable."
Pour Coralie, autre mannequin du compte, l'injonction fait des ravages insidieux aussi bien physiques que psychologiques. "Associer la présence de poils à la masculinité/virilité et l'absence de poils à la féminité, c'est s'enfermer dans des codes qui n'ont aucun sens et c'est, de ce fait, exclure de la 'vraie féminité' toutes les femmes qui ont des poils naturellement", affirme-t-elle.
"On s'est rendu compte en parlant entre nous que c'est souvent à l'adolescence que les filles commencent à s'épiler", poursuit Margot. Les cinq amies décident donc d'utiliser Instagram, le réseau social favori des 16-24 ans, pour faire passer le message aux jeunes et leur prouver que la beauté ne se résume pas à un corps imberbe. Qu'elles n'ont pas à suivre ces standards discriminants pour être bien dans leur peau, et que le seul regard qui compte, c'est celui qu'elles portent sur leur propre corps.
Le Sens du Poil nous rappelle ainsi que si la décision nous appartient, il n'existe cependant pas qu'un seul modèle valide en ce qui concerne la pilosité. Surtout, le compte dénonce la pression omniprésente d'une société patriarcale qui ne donne aux femmes que le seul rôle de plaire pour exister, et implique que reprendre le contrôle de ses poils, c'est reprendre le contrôle tout court.