Nous avions laissé Jeanne Added consacrée pour son superbe Radiate (Victoire de l'artiste féminine et Victoire de l'album rock en 2019). Depuis, la pandémie de Covid a déboulé par surprise et avec elle, les fluctuations de cette drôle d'époque et les bouleversements intimes. La chanteuse revient en force avec son troisième album, By Your Side, enregistré en plein confinement. Sa voix y est toujours aussi magique, ciselant ses morceaux de synthpop groovy ou se déployant sur une soul élégante. Et Jeanne Added se dévoile même à travers des chansons en français- une nouveauté pour cette grande pudique.
Nous avons appelé l'artiste pour discuter de ses révolutions et de ses inspirations.
Jeanne Added : J'ai le sens du détail, mais je ne suis pas sûre d'être control freak. Je ne suis pas obsédée par la perfection. Quand on fait un disque, il y a matière à renter dans le détail et je trouve ça passionnant. Mais mon côté sérieux s'est peut-être un peu évaporé.
J.A. : Oui, je pense. J'étais peut-être trop intense et c'était épuisant à vivre. Cela s'est estompé ces dernières années.
J.A. : Cela donne confiance et cela participe aussi au lâcher prise. Mais là, c'est mon troisième album, on n'est plus en train de débuter une histoire et il y a sans doute eu un peu de pression, d'enjeux.
J.A. : Je pars toujours de mes expériences personnelles et donc de ma vie perso. Et ce qui bouge dans ma vie change ma perception du monde qui m'entoure. Le moment de l'écriture est une sorte de spéléologie (rires). Et on se demande toujours si on a des choses à raconter ou pas. J'essaie de faire un peu de poésie, de parler de choses dans lesquelles mes auditeurs et auditrices auraient leur place. Je parle de moi mais sans exclure tout le monde.
J.A. : Sans doute, mais cette fois-ci, cela ne m'a pas du tout coûté. Avant, c'était anxiogène et ça ne l'est plus du tout aujourd'hui. C'est donc qu'on change ! (rires) C'est une question de confiance là encore. Mes textes en anglais sont également moins subliminaux et mystérieux. Je ressens une évolution globale.
J.A. : Le temps est mon ami et un allié. J'essaie de ne pas trop écouter ce que nous susurre la société. J'ai organisé mon entourage et un espace de vie et de travail qui me protège beaucoup de cet environnement toxique. C'est une grande chance de pouvoir s'extraire des schémas nauséabonds qu'on veut nous imposer.
Plein de choses. Le déterminisme de genre par exemple. J'ai eu la chance de grandir dans une famille où les rôles genrés n'étaient pas si clairs que ça. Et même si j'ai grandi dans les années 80, où ce n'était pas non plus la révolution, les normes restaient floues. Mais j'ai conscience d'être très privilégiée : je sais qu'il n'y a pas grand-chose contre lequel on peut m'attaquer. Je ne suis pas confrontée quotidiennement aux violences du fait de mon statut social et de la couleur de ma peau.
J.A. : La communauté queer a fait un immense travail de théorisation et je lui dois énormément. Certains textes qui m'ont beaucoup aidée, comme Monique Witting, ont été écrits par des lesbiennes. En tant que femme cisgenre, j'y ai trouvé plein de réponses.
J.A. : Non, pas à ce point-là. Mais j'ai lu le livre de Rokhaya Diallo et Grace Ly Kiffe ta race dont j'écoutais les podcasts. Et j'ai trouvé ça essentiel pour la déconstruction de mon privilège blanc. C'est un livre accessible, radical et éducatif. C'est très réussi.
J.A. : Le principal changement, c'est qu'on ne peut plus dire que l'on ne sait pas. Et que les mecs se rendent compte que toutes leurs copines se sont fait agresser à un moment dans leur vie, d'une manière ou d'une autre... C'est énorme.
Il y a aussi le fait que les femmes ou s'identifiant en tant que femmes, nous avons réalisé que nous n'étions pas seules. On en avait l'intuition, mais l'ampleur du phénomène nous a secouées, je pense. Et puis on a mis des mots sur les choses qui nous sont arrivées : c'était difficile auparavant car nous ne connaissions pas bien les textes de loi. Tout cela ne fait pas de nous des victimes perpétuelles. Bien au contraire, nous sommes plus opérationnelles que plein de gens ! (rires) Mais il faudrait que cela ne soit que le début. On est encore loin du compte...
J.A. : Autant j'ai bien compris que les cheveux courts, c'était "compliqué", autant les cheveux longs, personne ne m'en parle. C'était un vrai délire... On en est encore là ? Heureusement, j'ai tendance à laisser les choses glisser sur moi. Les cheveux, c'est tellement personnel, comme le fait de porter une robe sur la pochette d'album alors que je n'en porte jamais. Je me plaisais dedans, le latex est une matière très agréable à porter, je dois l'avouer. C'est gainant, protecteur et révélateur. C'était une découverte.
Jeanne Added, album By Your Side
En tournée dans toute la France