Kamala Harris est une femme, elle est noire : elle est le "monstre" de Donald Trump, qui l'attaquait régulièrement pendant la campagne électorale. L'ancien président misogyne n'hésitait pas à lui décocher des noms d'oiseaux que, jadis, il réservait à Michelle Obama.
Kamala Harris est depuis devenue la première vice-présidente de l'Histoire des Etats-Unis, excusez du peu. Mais malheureusement, les âmes ne se sont pas plus apaisées à son sujet. C'est notamment sur les réseaux sociaux que la haine à son sujet s'accrue. Mais cela ne date pas d'hier. Comme le révèle effectivement le Los Angeles Times, l'ancienne procureure serait devenue, dès le mois de mars 2020, l'une des personnalités les plus attaquées sur ces plateformes.
Par "attaquées", il faut entendre : cyber-harcelée. Cible de fake news et d'insultes à répétition, tour à tour racistes, misogynes, les deux à la fois... Sur Twitter et Facebook, la situation semble préoccupante à ce sujet.
Une situation que déplore la députée démocrate Jackie Speier. A écouter la représentante californienne, au moins vingt exemples de publications haineuses à l'encontre de la vice-présidente auraient déjà été envoyées aux responsables de la sécurité de Facebook. Résultat ? Les contenus n'ont pas été mieux filtrés, ni supprimés depuis.
Selon une étude réalisée par la chercheuse Nina Jankowicz, qui a passé au crible plus de 300 000 messages attaquant 13 politiciens dans quatre pays anglophones, Kamala Harris aurait été quatre fois plus ciblée que ses adversaires (elle concentrait 78 % des attaques). Autres femmes politiques privilégiées par les trolls haineux : les députées démocrates Alexandria Ocasio-Cortez et Ilhan Omar. Deux femmes de couleur.
"Les attaques contre les femmes sont fortement ciblées - elles portent souvent sur leur apparence et visent à dénigrer leur intelligence", détaille au Los Angeles Times la chercheuse Cecile Guerin, qui étudie l'extrémisme et la désinformation sur les réseaux sociaux. Par-delà la position de pouvoir qu'occupe Kamala Harris, l'experte voit également là un moyen de faire croire aux femmes "qu'elles n'ont pas leur place dans l'espace public", en général. Selon ses recherches, les femmes politiques américaines seraient deux à trois fois plus susceptibles de recevoir des commentaires haineux sur Twitter que leurs homologues masculins.
De quoi violemment désespérer. "Ce cyber-harcèlement décourage certainement les femmes à s'engager dans la politique", abonde d'ailleurs Jackie Speier. Dans le cas de la vice-présidente, les responsables des plateformes concernées sont régulièrement tenues au courant de ces attaques systémiques, sans que la situation n'évolue vraiment, témoignant au passage de la vulnérabilité des filtres censés purger toute cette haine virtuelle. Et les attaques en ligne sont directement surveillées par les services secrets.
Des initiatives qui ne peuvent pas grand-chose face à un phénomène indéniablement ancré et banalisé : la misogynoir, ce mélange de racisme et de sexisme dont sont victimes les femmes noires. "Ce que j'espère, c'est qu'il y a plus de gens sensés qui veulent voir l'unité et non la division dans ce pays. Et que tout type de haine raciale ne sera plus accepté", assurait l'an dernier la commentatrice politique de CNN Tara Setmayer dans les pages du Guardian, à quelques mois des élections. Hélas, c'est la division qui semble perdurer.