Assise sur le rebord d'une fenêtre d'un grand hôtel parisien, Adèle Exarchopoulos fume sa cigarette. Elle tutoie d'emblée. La voix est grave, posée, franche. Elle est là pour défendre Le Fidèle, polar crépusculaire du réalisateur belge Michaël R. Roskam (Bullhead). Elle y incarne Bibi, une jeune pilote de course qui tombe éperdument amoureuse du loubard Gigi (Matthias Schoenaerts) et se retrouve embarquée dans les magouilles de son bad boy. Entière et cash, Adèle n'a eu aucun mal à se glisser dans la peau de son personnage sans concession. C'est d'ailleurs sans langue de bois qu'elle a répondu à notre interview "girl power", entre un coup de fil du pédiatre (son petit Ismaël est né en mai) et une bouchée de dessert à la fraise.
Je pense que son côté hermétique est un choix, comme cette envie de ne pas avoir à se justifier par amour auprès des autres sur les sacrifices qu'elle fait par amour. J'ai aimé cette facette. C'est quelque chose que l'on retrouve dans mes films précédents, ce débordement d'émotions, le fait que cela devienne une évidence pour elle, qu'elle n'ait même pas à le formuler. Elle est dans le sacrifice, la loyauté, la fidélité et ce sont des choses que j'affectionne.
Forcément. Tous ceux qui ont vécu un chagrin d'amour savent qu'il n'y a rien de pire. On s'habitue à tout, mais s'habituer au manque, c'est extrêmement délicat.
Oui, je pense évidemment que les femmes ont les mêmes droits que les hommes. Je respecte la manière dont les "anciennes" se sont battues pour nous. Je suis pour l'évolution tout simplement.
Pour être très honnête, je me sens tellement privilégiée que je ne pourrais pas venir dénoncer des choses. Je me sens tellement honorée de faire un métier que j'aime que devoir noircir le tableau, je ne vois pas l'intérêt.
Moi, ce qui m'a surtout choquée dans toute la controverse, c'était plus quand ça parlait de sexualité. J'entendais : "Non, les lesbiennes ne font pas l'amour comme ça". Je me disais que c'était fou d'être bête à ce point ! De réduire le sexe à une manière, de débattre là-dessus... J'ai eu du mal avec les critiques pas constructives. Tu as beau avoir fait des études, si tu n'as pas un brin d'humanité et d'expérience, cela ne sert à rien de venir débattre.
Pas seulement en tant que femme, mais en tant qu'humain : l'injustice en général. Les gens qui font du mal à des enfants, la politique et le rapport à l'immigration, cette façon de créer la peur. Je pense qu'on a davantage besoin de se rassembler que de se diviser.
Dans les trucs quotidiens comme se présenter à régler des galères de ta famille, te présenter à des rendez-vous pour ton frère et faire semblant que tout est normal...
Ma mère, pour ce qu'elle est, ce qu'elle incarne. Je trouve cela fou d'avoir une reconnaissance dans mon métier alors qu'elle est infirmière et qu'elle n'est pas assez reconnue.
Ma grand-mère, qui est une femme qui a vécu avec neuf frères. On oublie souvent que les anciens ont vécu des guerres. On les considère comme "amoindris" alors que pour moi, parler avec elle, c'est m'élever.
Et une amie à moi qui est une héroïne du quotidien. C'est un refuge pour moi d'être à côté d'elle.
Pocahontas. Parce que je me disais qu'elle se contentait de la nature, elle se fiche des conventions quand elle rencontre John Smith, elle arrive à revenir à cet état de sérénité. Cela me fascinait.
Ça change tout et rien en même temps. On continue à apprendre qui l'on est, on continue à faire des erreurs, à rencontrer de nouvelles personnes, ça met une distance avec les trucs superficiels, car c'est une responsabilité énorme.
Il y a des femmes qui ont sept enfants et qui ont une heure de trajet pour aller à leur travail, donc bon...
Une amie à moi, Melha Bedia, la soeur de Ramzy, qui fait un stand up. Je suis allée voir son spectacle et j'ai été trop fière d'elle.
Tata dans Narcos. J'admire sa résilience.
L'éducation dans d'autres pays. On a pas mal de chance ici en France. Et puis le droit à la parole aussi, le choix et la liberté d'une femme en général.
Big Up de Diam's.
Mon père qui me dit : "Quand tu ne sais pas, tais-toi".
Le Fidèle, un film de Michaël R. Roskam, avec Adèle Exarchopoulos, Matthias Schoenaerts... (Sortie en salles le 1er novembre 2017)