Commentaires misogynes sur Twitter et Youtube, sexisme latent sur Wikipédia, harcèlement sur Facebook... Le web version 2014 n'est pas encore celui sur lequel les femmes peuvent surfer en toute tranquilité. Plus grave encore : une vaste majorité de pays dans le monde semble impuissante face au phénomène.
Dans un rapport publié dans le cadre du Web Index, un outil mesurant l'influence du Web sur les progrès de nos sociétés, la World Wide Web Foundation tire la sonnette d'alarme. Selon elle, la lutte contre les violences envers les femmes sur la toile et pour l'égalité des sexes en ligne n'est pas assez efficace. Elle serait même le talon d'Achille de nombreux pays, y compris dans les zones les plus développées.
Les recherches menées par la World Wide Web Foundation sur 86 nations montrent ainsi que pour 74% des pays analysés par ses services, « les organismes de police et la justice ne parviennent pas à prendre des mesures adéquates, dans les situations où les nouvelles technologies de l'information et de la communication utilisant le Web servent à commettre des actes de violence basées sur le genre ».
Dans bien trop de pays, explique la fondation, il n'existe pas de protection légale claire et adaptée contre les violences en ligne. L'étude souligne également le manque de formation et de lignes directrices dont souffriraient la police et les systèmes judiciaires en la matière. Des lacunes qui se traduiraient par une répression trop faible, sinon inexistante, à l'égard des auteurs de ce type de violence envers les femmes. « Seulement 30 % des pays étudiés ont reçu un score supérieur à 5 pour avoir mis en place des objectifs concrets de lutte pour l'égalité des sexes en ligne », déplore ainsi le rapport.
« Alors qu'ils peuvent être une façon de rendre plus visible le combat pour les droits des femmes, les réseaux sociaux peuvent aussi amplifier la misogynie et les violences basées sur le genre », constate la fondation, citant parmi ces phénomènes les pratiques devenues trop courantes de harcèlement ou, plus récemment de « revenge porn ». Une misogynie amplifiée que dénonçait d'ailleurs récemment un collectif de Youtubeuses fatiguées de devoir subir les commentaires graveleux de certains internautes sous leurs productions vidéos.
« Ce que c'est d'être une femme sur Youtube »
Parmi les pays obtenant les moins bonnes notes, on retrouve l'Estonie, la Tunisie ou encore la Turquie. A l'inverse, les nations qui s'en sortent le mieux sont le Danemark, les Etats-Unis et... la France. Malgré tout, compte tenu des attaques subies par certaines femmes même dans ces pays, les résultats soulignent l'urgence de la mise en place de mesures concrètes afin de mieux les protéger contre les abus sur internet.
Une urgence relayée par l'inventeur du www lui-même, Tim Berners-Lee, qui a commenté les conclusions du rapport de sa fondation : « Dans un monde toujours plus inégalitaire, le Web peut être un formidable outil - mais seulement si on inclut dans les règles du jeu les droits à la vie privée, à la liberté d'expression et à un accès au net pour tous ».