La confusion règne. Au terme de longs et intenses débats, et des rebondissements à la pelle, le Sénat a voté le texte de la loi bioéthique en deuxième lecture dans la nuit de mercredi 3 à jeudi 4 février. A quelques modifications (majeures) près de sa version approuvée par l'Assemblée nationale en juillet dernier, et par le Sénat lui-même il y a tout juste un an.
Notamment, un "détricotage" de l'article 1, comme le qualifient les partisan·e·s du texte originel, qui devait garantir la PMA pour toutes. "Détricotage" en deux temps. Ce mardi 2 février, la majorité de droite propose de supprimer l'article 1 qui étend la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules. Proposition rejetée à 122 voix pour, 174 voix contre. Seulement dans la foulée, l'hémicycle a voté un amendement proposé par Dominique de Legge (LR), qui n'exclut plus que les femmes célibataires, rayant de la carte l'une des mesures-phares du projet.
"Même s'il s'agit d'une monoparentalité choisie et non subie, l'accès de la PMA aux femmes seules soulève de nombreuses interrogations au regard de la plus grande vulnérabilité dans laquelle est placée une personne seule dans l'éducation d'un enfant", souligne Dominique de Legge, scellant le destin de milliers de Françaises dont il ne sait visiblement rien des souffrances.
Chez les sénateur·rice·s de gauche et issu·e·s des groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI à majorité LREM) et Rassemblement démocratique et social européen (RDSE à majorité radicale), la colère est palpable. Pour la sénatrice écologiste Esther Benbassa, la décision est amère. "La PMA enfin ouverte à tous les couples de femmes, mais pas aux femmes seules. Le Sénat avance, mais à reculons...", tweete-t-elle le 2 février.
Résultat : jeudi 4 février, aux alentours d'1h30 du matin, l'article 1 dans sa totalité est rejeté, la loi bioéthique était adoptée sans l'élargissement de la PMA à toutes les femmes, à main levée avec les seules voix de la majorité de droite, rapporte l'AFP. La gauche, elle, a voté contre un "texte dénaturé", comme le déplore Thani Mohamed Soilihi (RDPI). "Ce texte, vous l'adopterez sans nous parce que ce texte, c'est le résultat d'un gâchis", lance encore le rapporteur PS Bernard Jomier.
Et si une seconde délibération avait été promise par le président de la commission bioéthique Alain Milon (LR), lui-même favorable à la PMA, la commission y a finalement renoncé, provoquant l'indignation de la sénatrice Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste). "Vous nous avez pris en otages", a-t-elle explosé. "Vous nous avez trompés".
Autre mesure à passer à la trappe : la possibilité pour les femmes d'une autoconservation de leurs ovocytes sans raison médicale. La prise en charge par la Sécurité sociale sera elle réservée aux couples hétérosexuels avec critère médical. "Qu'est-ce qui s'est passé en un an ?", s'est interrogé le sénateur écologiste Guillaume Gontard.
Heureusement, rien n'est encore joué : ces dispositions pourront être rétablies lors d'un nouveau passage du projet de loi devant l'Assemblée nationale. Une commission mixte paritaire devrait être réunie pour tenter d'accorder député·e·s et sénateur·rice·s. En cas d'échec, précise Le Monde, l'Assemblée nationale tranchera.