Enfin ! Ce 4 février 2020, le Sénat a finalement adopté le projet de loi de bioéthique. Un projet crucial s'il en est, validé à raison d'une majorité de 153 voix contre 143 - de justesse, donc, comme pour mieux rappeler les désaccords et débats houleux suscités depuis un an par cette mesure gouvernementale. Au grand désarroi des opposants, la PMA pour toutes serait-elle donc devenue une réalité en France ? Pas tout à fait. Car dans sa forme, bien des choses restent (malheureusement) à nuancer...
On est encore loin du texte idéal, pour une simple raison : de nombreuses modifications ont été apportées par les sénateurs. Comme, entre autres choses, le fait de limiter le remboursement de la PMA pour toutes par la Sécurité Sociale. Mais aussi d'interdire l'autoconservation des ovocytes, par exemple. Des "retouches" considérables et incompréhensibles, volontiers fustigées.
Et parmi ces réactions houleuses, on trouve celle de l'ONG Amnesty International, qui déplore dans un communiqué que les modifications apportées par le Sénat "introduisent de fortes discriminations". Comme une forme de régression à l'heure du vote, en dépit des vertus progressistes de ce projet de loi. D'une part, les sénateurs ont donc décidé d'interdire le remboursement de la procréation médicalement assistée aux femmes célibataires et aux couples de femmes. Présidente d'Amnesty International France, Cécile Coudriou voit là "une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et sur le statut conjugal des personnes, prohibée par le droit international". De plus, au sein des couples lesbiens, le parent qui ne porte pas l'enfant devra... l'adopter. Seule sa conjointe pourra bénéficier d'une "présomption de maternité". Une initiative retorse dure à avaler...
"Cette modification va à l'encontre de l'intérêt de l'enfant qui se voit privé d'un de ses deux liens maternels. Des discriminations graves à l'égard des parents qui se répercuteront nécessairement sur l'enfant", déplore encore Cécile Coudriou.
Bref, la PMA n'est pas "pour toutes" : elle est, au contraire, cruellement limitée. Nombreux sont ceux aujourd'hui à carrément parler de "rétropédalage" en bonne et due forme. Et pour cause. L'adoption du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale garantissait un "remboursement pour toutes", validé par le gouvernement, ce qui n'est plus le cas désormais. En l'état actuel des choses, ces modifications discriminent les principales concernées en fonction de leur orientation sexuelle.
C'est également là l'avis de l'association SOS Homophobie, qui, dans un communiqué, s'en attriste lourdement : "L'égalité attendra ! Le Sénat fait le choix d'exclure les couples lesbiens et les femmes seules qui auront recours à la PMA d'une prise en charge par la sécurité sociale. Nous le savons, la lutte contre les violences et les discriminations passe nécessairement par l'égalité des droits et cette égalité ne peut être partielle. Elle doit garantir la liberté pour toutes et tous de fonder une famille dans les mêmes conditions d'accès, de respect et de sécurité. SOS homophobie appelle donc les député·e·s à revenir sur les dispositions discriminatoires et stigmatisantes adoptées par le Sénat".
Mais ce n'est pas tout. Il sera également interdit auxdits couples et femmes célibataires de congeler leurs ovocytes - ce que l'on nomme en termes plus barbares "l'autoconservation des ovocytes". Autant de restrictions auxquelles il faut ajouter l'une des grandes impasses de cette mesure : la fermeture de la "PMA pour toutes" aux personnes transgenres, qui demeurent encore et toujours les grandes oubliés de ce projet de loi. Or, "les personnes transgenres, devraient avoir le droit d'utiliser leurs gamètes qu'elles ont autoconservées, dans une PMA, et d'établir leur filiation comme les autres", fustigeait l'an dernier déjà le député de la France Insoumise Bastien Lachaud.
"PMA " pour toutes "... sauf pour les personnes trans et sans remboursement pour les femmes seules et couples de femmes ! BULLSHIT le plus total !", s'indigne-t-on en ce sens sur Twitter. Une colère légitime. Car si "la #PMAPourToutes est une avancée essentielle qui reconnaît enfin qu'il n'existe pas UNE famille composée "d'un papa, d'une maman et d'un bébé" mais DES familles diverses", comme l'écrit avec justesse la sénatrice du Val de Marne Laurence Cohen, la réalité de sa législation semble, elle, toujours criblée de failles. En attendant une seconde lecture du texte à l'Assemblée Nationale...