On ne présente plus les bals de promo, la fête la plus emblématique du mode de vie américain. C'est l'événement au cours duquel toutes les adolescentes ont le droit de renouer avec leurs rêves de petites filles et d'enfiler une véritable robe de princesse. Du moins, elles y ont presque toutes le droit ; car Makalaya Zanders, une jeune afro-américaine de 18 ans, s'est vue interdire de porter sa robe au bal par l'un des professeurs de la Garfield Heights High School de Cleveland. En cause ? La robe était trop moulante, "pas appropriée" pour un bal de promo. Pourtant, il suffit de la comparer à des photos de robes de bal de promo postées sur les réseaux sociaux pour se rendre compte qu'elle n'avait rien d'excessif ou de particulièrement choquant. Ce qui semblait réellement gêner l'enseignante était plutôt les motifs africains qu'elle arborait. La robe incriminée était du style Ankara , un style très populaire venu du Lagos, au Nigéria, et qui est devenu un véritable emblème de la mode et de la culture d'Afrique.
C'est d'ailleurs ce qui avait plu à Makalaya Zanders, inspirée par la robe de la top-model nigérienne Jessica Chibueze : le tissu wax dont est fait la robe est en réalité un puissant symbole identitaire africain. Il porte le nom de wax car c'est le tissu, épais et coloré, est enduit de cire. C'est un joli mariage entre la modernité de pointe de l'univers de la mode, perpétuellement en mouvement, et l'immuabilité des coutumes ancestrales africaines. Les coupes et les tissus modernes viennent dépoussiérer les dessins tribaux traditionnels pour obtenir un style chamarré et rafraîchissant. Le wax est devenu l'étendard d'une génération qui revendique ses racines avec fierté et assume le mélange des cultures et des époques. C'est pourquoi la jeune femme a décidé de braver l'interdiction et de porter cette robe que l'on ne saurait voir. "Ma robe, c'était pour faire passer un message : le style africain est joli et je me sens à l'aise avec ma mélanine et mes origines", a-t-elle revendiqué sur son compte Instagram , en postant les inévitables photos d'elle et de son cavalier juste avant la fête qui accompagnent tout bal de promo qui se respecte. Et depuis, le web s'emballe, faisant d'elle l'égérie d'un jour dans la lutte contre le racisme ordinaire.
Sa robe a fait le tour des réseaux sociaux et a remporté les suffrages de milliers d'internautes. Makalaya Zanders a cherché à expliquer son geste de rébellion dans une interview accordée à la chaîne ABC News : "Depuis que je suis toute petite, j'entends ce type de critique. Soit je suis trop foncée, soit je suis trop ceci ou trop cela. Plus jeune, je ne correspondais pas aux standards de beauté". Elle a réussi à dépasser son manque de confiance grâce à des mentors tels que DeAndre Crenshaw (le créateur de sa robe), qui lui a appris à embrasser sa beauté et sa culture. "Je voudrais juste permettre aux jeunes filles de couleur de se sentir valorisées, de leur montrer qu'elles sont belles, elles aussi", a-t-elle confié au journal. Passionnée de mode, elle explique aussi lutter pour promouvoir une mode plus diversifiée, qui ne prend plus en compte que les goûts et les physiques occidentaux : la mode est avant tout la représentation d'une vision , et est porteuse de culture. C'est pourquoi c'est un formidable biais pour promouvoir la diversion, selon la jeune reine d'Instagram : "Certaines personnes pensent que c'est juste une mode, mais si ça attire de plus en plus de personnes à qui cela plaît et qui se renseignent sur notre culture, c'est déjà bien, selon moi".
Un beau geste qui a le mérite de mettre en lumière le racisme latent qui ronge toujours les Etats-Unis, où l'affaire fait grand bruit. Le cas Makalaya Zanders a montré l'absolue nécessité de continuer à lutter contre la discrimination. Le racisme sait se faire très discret, mais il peut néanmoins être sensible dans tous les sujets de conversation. Y compris la mode, qui n'est pas toujours futile et légère, puisque ce que l'on porte est une manière de montrer notre identité et notre culture. Et comme le montre l'histoire de Makalaya Zanders, ça n'est pas toujours bien vu.