Pas question pour le chef Taliban Adnan Rashid de s’excuser. Mais quel est donc l’objectif de ce message adressé à Malala Yousafzai, quelques jours après l'anniversaire de ses 16 ans et son intervention à la tribune de l’ONU ? Dans cette lettre ouverte, le commandant déclare qu’il aurait voulu que la tentative d’assassinat « n’ait jamais eu lieu », et qu’il avait trouvé cette agression « choquante ».
Cet ancien technicien de l’aviation pakistanaise écrit que la première fois qu’il a entendu parler de Malala, il était en prison, accusé d’avoir fomenté un attentat suicide manqué contre l’ancien président Pervez Musharraf. « Je me demandais comment te contacter », écrit-il. « Mes sentiments étaient fraternels envers toi parce que nous appartenons à la même tribu Yousafzai. » En avril 2012, Adnan Rashid s’est évadé de prison et affirme qu’il était en cavale quand Malala a été attaquée.
Pour autant, le commandant ne s’excuse pas auprès de la jeune fille, visée par les intégristes à cause d’un blog qu’elle tenait pour défendre l’éducation des filles. N’ayant pas l’intention d’argumenter pour savoir si le crime des talibans était bien ou mal, ou si Malala méritait d’être tuée ou pas, A. Rashid dit s’en remettre au jugement d’Allah, « Il est le meilleur juge », écrit-il.
Il explique que les talibans ont estimé que Malala menait « une campagne de dénigrement » contre eux, et qu’elle avait été abattue parce que ses écrits étaient « provocateurs ». Sans réelle compassion voire même avec un certain cynisme, il l’interpelle : « Si tu avais été agressée par des Américains dans une attaque de drone, est-ce que le monde aurait eu des nouvelles de ta santé ? Est-ce que tu aurais été surnommée "fille de la nation" ? Est-ce que les médias auraient fait tout ce bruit à ton sujet ? Aurais-tu été appelée à intervenir à l’ONU ? Des femmes et des enfants innocents ont été tués par des attaques de drones, mais tout le monde s’en moque parce que les agresseurs sont bien élevés, non violents, de gentils Américains.»
Le chef taliban conclut sa lettre en intimant à Malala de rentrer au Pakistan : « Reviens chez toi. Adopte la culture islamique et pachtoune, rejoins une école coranique pour femmes près de ta ville natale, étudie le livre d’Allah, et utilise ta plume pour l’islam. » Un message surprenant selon les spécialistes de la région, qui s’apparente à un coup de pub pour impressionner les Pakistanais et la communauté internationale, voire à une menace déguisée adressée à Malala.
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