Son auditoire était déjà tout acquis à sa cause. Le 17 novembre, Marion Maréchal-Le Pen, tête de liste du Front national en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, participait à Marseille à un débat organisé par l'antenne locale de la Manif' pour tous. Tandis que les candidats PS-PRG-MRC Christophe Castaner et LR Christian Estrosi étaient absents, la candidate frontiste a eu tout le loisir d'exposer son programme pour la région PACA devant un auditoire de 300 catholiques traditionnalistes venus l'écouter.
Au menu de cette rencontre, évidemment les grandes lignes du programme défendu par Marion Maréchal-Le Pen et sa vision conservatrice de la famille, qui a particulièrement plu aux opposants au mariage pour tous. Ainsi, lorsque le rédacteur en chef de Valeurs Actuelles Geoffroy Lejeune, qui animait le débat, demande à la petite-fille de Jean-Marie Le Pen si elle compte "faire le ménage" parmi les subventions accordées à certaines associations par la région PACA, sa réponse est sans équivoque : "C'est vrai que le budget de la région, c'est 150 millions d'euros. Pour vous donner un ordre d'idée, c'est supérieur au budget qui est attribué en investissement en aide aux entreprises. C'est vrai qu'il y a pas mal de ménage à faire de ce point de vue-là, puisqu'il y a beaucoup d'associations qui sont politisées qui sont subventionnées, mais aussi des subventions qui moi me choquent en période de crise, en particulier dans une région où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale." En ligne de mire ici, les "subventions accordées aux associations d'aide aux travailleurs immigrés" (60 000 euros, selon la députée frontiste) et les "200 000 euros qui sont accordés chaque année aux plannings familiaux, qui sont des associations très politisées et qui portent de mon point de vue une approche assez banalisée de l'avortement qui me pose des difficultés".
Et de poursuivre, sous les applaudissements de l'assistance : "Je refuserais les subventions aux associations politisées, dont les plannings familiaux, mais aussi des associations telles que celle de la LGBT, dont je condamne fermement l'idéologie. Il n'est pas question de leur verser un sou de la région. [...] Je considère qu'aujourd'hui, ce sont des associations politisées qui véhiculent une banalisation de l'avortement. Or, je considère que c'est un sujet important en France. Et je vais même aller plus loin, je considère que c'est le tabou absolu aujourd'hui en France. Et j'en suis malheureuse, il faut poser le problème, comprendre pourquoi alors qu'il y a eu une libéralisation, une facilitation de l'accès aux contraceptifs, les avortements ne baissent pas. Pourquoi parfois même ils augmentent alors qu'on continue en même temps de libéraliser l'accès à l'avortement avec la loi santé qui va être votée, en mettant des quotas aux centres médicaux de taux d'IVG, en supprimant le délai de réflexion... Je trouve que ce n'est pas une bonne approche. Je suis pour une responsabilisation des femmes et surtout, je suis pour sortir de l'idéologie."
Bon. Par où commencer ? Peut-être en rappelant que les plannings familiaux ne banalisent en rien l'accès à l'interruption volontaire de grossesse. Ils apportent au contraire soutien et conseils aux filles et aux jeunes femmes qui en ont besoin. Ils les aident à maîtriser leur fécondité en délivrant gratuitement des contraceptifs, et en leur donnant des informations fiables et impartiales sur la contraception et la sexualité, le tout dans le respect du secret médical et de la confidentialité. Enfin, les plannings familiaux oeuvrent pour l'élimination des violences sexistes et du harcèlement sexuel, et soutiennent les femmes victimes de violences.
Repérée par le site Les Nouvelles News, la sortie réac' de Marion Maréchal-Le Pen n'a pas manqué de faire bondir les associations féministes et LGBT. Dans un communiqué publié jeudi 26 novembre, une trentaine d'associations de la région PACA, dont la fédération des plannings familiaux, a répondu à la candidate frontiste et dénoncé ses "positionnements moralistes et aveugles".
"Ces associations, que vous décriez, viennent en aide depuis des années à des milliers de personnes victimes de discriminations et de violences au quotidien : jeunes exclus par leurs familles, personnes discriminées au travail ou dans l'accès à la santé et à la prévention, personnes de toutes générations en questionnement, isolées ou en souffrance, personnes précaires et fragiles issues de tous les milieux et de toutes les classes sociales... [...]
Si la Région PACA supprimait son aide au Planning Familial, ce sont des milliers de femmes et d'hommes, jeunes ou adultes, issu-e-s de tous les milieux, qui perdraient l'accès à une information et un accompagnement dans leur vie affective et sexuelle. L'avortement est un droit fondamental des femmes à disposer de leur corps. Le Planning Familial défend l'application réelle de ce droit sur le terrain. Restreindre l'accès à l'avortement ne le fait pas disparaître, il le rend seulement dangereux et source de corruption. [...]
Oui, Mme Maréchal Le Pen, nos associations sont politiques, au sens noble du terme, et elles sont impartiales. Nous en sommes fièr-e-s. [...]"
Si les propositions de Marion Maréchal-Le Pen sont fortement décriées par les associations visées, elles ne trouvent pas non plus un écho favorable dans son propre camp. Invitée de Bruce Toussaint ce vendredi dans la matinale de i>Télé, Marine Le Pen, tête de liste dans la région Nord n'a pas caché son embarras suite à la diffusion des propos de sa nièce. "J'ai beaucoup d'autres choses à faire beaucoup plus importantes que ça à la tête de la région. [...] Il y a une proposition qui est celle de la tête de liste PACA, ce n'est pas dans les projets du FN. [...] Ce sont des subventions très dérisoires par rapport au budget d'une région et je pense que ce n'est pas un élément essentiel."