Comment élever un petit garçon à l'ère #MeToo ? Comment lui apprendre l'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes ? Comment éviter qu'il ne devienne un affreux macho ?
Ces questions, Nolwenn Leroy se les est naturellement posées. La chanteuse, féministe engagée, est l'heureuse maman d'un petit Marin, 16 mois. Celle qui vient de sortir un joli album de reprises, Folk, a dû apprendre à jongler entre journées en studio, tournées loin de la maison et un bébé qui pousse. Et en dépit de son emploi du temps chargé, Nolwenn chérit sa relation fusionnelle avec son fiston, qu'elle élève "sans un aéropage de nounous" et continue à allaiter ("C'est une expérience fabuleuse de pouvoir le vivre aussi longtemps"). Tout cela avec l'aide d'un papa (le tennisman Arnaud Clément) très présent.
La jeune maman de 36 ans a accepté de nous confier ses grands principes pour éduquer un petit garçon féministe.
Nolwenn Leroy : Difficile de donner une définition à cause des contextes et des temporalités. De Simone de Beauvoir à Chimamanda Ngozi Adichie, les propositions sont nombreuses. Mais s'il est un point commun entre une intellectuelle blanche et une ouvrière nigériane, c'est qu'elles font partie toutes les deux de la race humaine et qu'à ce titre, elles devraient être dans l'absolu et d'une manière non discutable l'égale de l'homme. Seulement voilà, ces deux femmes si opposées de prime abord payent toutes les deux des millénaires de traditions. Du mythe de la création d'Eve issue d'une côte d'Adam à l'excision, les dégâts engendrés par les grandes religions monothéistes sont légion.
C'est pourquoi, selon moi, la base d'une éducation féministe ne peut passer que par l'éducation. Lire, développer un esprit critique, philosopher, s'ouvrir au monde, remettre toute chose en question : voilà la base ! L'école est la base de la liberté pour chacun et la liberté ne passe que par le savoir. Une éducation féministe ne peut exister sans ces préalables.
N.L. : Là encore, un préalable s'impose : l'exemple du modèle parental. Si le père méprise, humilie, voire insulte sa mère, le petit garçon peut trouver naturel de répéter cette attitude et la petite fille naturel de devoir la subir. Ce modèle est d'autant plus déterminant que rien ne sera épargné à cet enfant. Les images dégradantes des femmes via les films pornos en accès illimité sur les portables dans la cour de récré par exemple.
Là encore: discussions, échanges, informations et prévention sont indispensables tant il va être difficile de mettre ces enfants à l'abri de la connerie humaine.
Sincèrement, je ne suis pas très optimiste sur les perspectives de cette évolution des mentalités. Chaque avancée chèrement acquise par les femmes trouve en face de plus en plus de reculs.
N.L. : C'est un sujet délicat à aborder avec un enfant et de nombreux livres traitent du sujet. Le mieux, je pense, est qu'il faut se documenter correctement et c'est ce que je vais faire. En attendant, je ne force pas Marin à faire des bisous à des proches et encore moins à des personnes hors du cercle familial. Il a le droit de dire non.
N.L. : Le papa de Marin lui a bien évidemment donné le biberon lorsque je n'étais pas là pour le faire téter. Il lui prépare ses petits pots maison et utilise très bien le Babycook. Il change les couches et lui fait prendre sa douche, l'emmène en promenade au parc, lui fait faire du toboggan, passe beaucoup de temps à jouer avec lui... Il fait sa part et c'est normal.
Ce qui est étrange, c'est que l'on me pose encore la question comme si cette situation était limite exceptionnelle ! Ce qui tend à démontrer que le combat féministe a encore de beaux jours devant lui...
N.L. : Je préfère commencer par la fin : Marin a 15 mois et la télé n'est jamais allumée quand il est là ! Il n'a donc jamais regardé un dessin animé. Je préfère qu'il tourne les pages des livres... Il n'a pas accès aux tablettes, ni au téléphone. Les images ne sont pas bénéfiques pour un enfant au-dessous de l'âge de 3 ans.
Quant à la problématique soulevée par ces deux actrices concernant le sexisme des dessins animés Disney : je trouve que cette polémique traduit un léger manque de subtilité et de recul sur les choses. En effet, ce sujet est infiniment plus complexe et ne doit pas être traité à la légère.
Les dessins animés Disney (les plus anciens surtout) sont des traductions de contes de fées anciens (Perrault, Grimm, Andersen...). Ils sont l'expression de l'inconscient collectif des peuples qui les ont créés et souvent mutent sous diverses apparences de lieux en lieux, d'époques en époques. Ils ne sont pas à la base destinés aux enfants et traduisent sous forme de symboles les fondements d'une sagesse millénaire.
J'inviterais donc ces deux actrices à lire La psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim et les nombreux ouvrages qui traitent de l'ésotérisme de ces contes, de leurs sens cachés. La femme n'est dans ces contes, contrairement aux apparences, ni soumise, ni innocente. Seule une lecture superficielle peut le laisser penser. Apprenons donc à nos enfants à aller au-delà des visions simplistes.
Quant aux dernières héroïnes Disney, elles bravent plutôt bien l'autorité des hommes, il me semble. J'ai adoré Vaiana, intrépide Tahitienne, rebelle et aventurière !
N.L. : Marin n'a que 16 mois à peine. Il adore regarder les images, tourner les pages et répéter le nom de ce qu'il voit et souvent l'histoire est perdue en route... Dans quelques mois, il sera plus attentif je pense et je commencerai à lui lire de vraies histoires, des contes aussi et même des histoires horribles de loups dévorant des chaperons rouges car l'enfant a besoin de la peur pour se construire.
Et surtout je lui raconterai l'histoire du Chant de la mer, un sublime dessin animé sur lequel j'ai eu la chance de travailler, au niveau de la musique et du doublage.
N.L. : Il porte même des chemises Liberty à fleurs rose et violette et il a un bébé qu'il promène dans une poussette rose !
N.L. : Je pense que ce devrait être son père ou sa mère ou bien l'enseignant. Seulement de nos jours, les héros sont des personnages Marvel ou bien pire: des faiseurs de néant sur les réseaux sociaux. Le manque de "rôle-modèles" de valeur est peut-être ce qui mine le plus profondément notre société.
N.L. : Je n'en ai pas besoin car depuis cet été, Marin est fan des balais et des aspirateurs en tout genre qu'il appelle des "baba"... La simple vision d'un "baba" le met en transe ! Il passe donc déjà l'aspirateur à 15 mois. Je lui explique aussi comment ranger ses jouets car il a tendance à mettre la pagaille.
Nolwenn Leroy, album Folk, sorti le 2 novembre 2018.