La non-binarité, c'est le fait de refuser d'être catégorisé·e comme "homme" ou "femme" dans la société. Une rupture franche avec la binarité des genres qui n'est pas qu'une "lubie", non non, n'en déplaisent aux boomers qui ne se privent pas de décrédibiliser tout un concept. Personnalités d'hier comme d'aujourd'hui, du siècle dernier comme de notre époque ultra-connectée, nous le rappellent volontiers : le non-binarisme a toujours existé.
La preuve en 7 noms-clés, qui nous renvoient autant à nos livres d'histoire qu'à nos fils Instagram.
Une figure historique du militantisme queer. Artiste transgenre, lesbienne, non-binaire, Claude Cahun est né·e en pleine fin du dix-neuvième siècle, quand les expressions "fluidité des genres" (gender fluid) et "neutralité des genres" (gender neutral) n'existaient pas encore - et encore moins le concept de "non-binarité".
Grand·e photographe, admirateur·rice du courant Surréaliste et auteur·ice antifasciste, Cahun a délivré une oeuvre d'une grande modernité esthétique mais aussi de belles performances théâtrales. Libre, moderne, politique, également connu·e sous le pseudonyme de Lucy Schwob, "l'artiste semble avoir environ 100 ans d'avance sur son temps et c'est peut-être pourquoi vous n'avez jamais entendu parler d'elle·lui", ironise enfin la BBC.
Autre bond dans le temps : rembobinons jusqu'au tout début du vingtième siècle. En 1917, Jennie June est la première personne queer à publier son autobiographie, ouvrage à l'intitulé explicite : Autobiographie d'un·e androgyne. C'est dire à quel point sa parole compte. Egalement actif·ve au sein de l'organisation du Cercle Hermaphroditos, l'auteur·ice défend le droit de ne s'identifier ni comme un homme, ni comme une femme.
Comme nous le rappellent de nombreux documents historiques (à l'image de cette recherche de Out History, source d'archives et d'études sur la sexualité et les genres), Jennie June était transgenre, mais se disait avant tout androgyne, c'est-à-dire "qui tient des deux sexes", comme le définit le dictionnaire Larousse. Plus encore, Out History accole à Jennie June le terme de "fairie", qualificatif anglophone désignant "un niveau intermédiaire des sexualités, une fille-garçon". Ses mots nous rappellent que ces réflexions sur le genre ne datent pas d'hier.
Un esprit aussi stimulant que brillant, au phrasé sans concessions et aux looks solaires. Né·e en 1948, l'insaisissable Américain·e Kate Bornstein est aussi bien reconnu·e pour ses performances artistiques que pour ses romans, ses productions théâtrales et ses essais. Parmi ses thèmes fétiches, on retrouve bien évidemment le genre mais également la transidentité, Bornstein ayant effectué sa transition au milieu des années 80.
Dans les pages de ses Mémoires, l'artiste septuagénaire explique noir sur blanc "ne pas s'identifier comme une femme et ne pas être un homme non plus". Une certaine définition de la non-binarité s'il en est. Pour le blog d'éducation inclusive Speak Out ("Libérez la parole"), Kate Bornstein est avant tout une voix "pionnière", déployant au gré de ses écrits "une vision audacieuse du système des genres tel que nous le connaissons" et envisageant la question majeure du genre "comme une pratique consciente mais également un voyage ludique".
Mais si quelqu'un explique le mieux ce point de vue, c'est encore Kate Bornstein iel-même : "La plupart des gens acceptent le concept de genre et le disent en deux dimensions, 'homme et femme', et c'est bien, mais ce n'est pas tout à fait 'complet' comme vision. En vérité, le genre peut être tridimensionnel, il change constamment pour chacun d'entre nous. Nous aimons le penser comme quelque chose d'unidimensionnel mais il ne dépend pas simplement de nous", développe l'artiste dans les pages de la Queer Review. CQFD.
Une voix angélique, trois albums acclamés, des millions d'exemplaires écoulés... C'est un peu tout cela qui fait de Sam Smith "la personne non-binaire la plus célèbre au monde", comme l'énonce avec justesse Pink News, la revue en ligne des cultures LGBTQ. En interview, l'interprète de La la la n'hésite effectivement jamais à évoquer son homosexualité, sa conception des genres et de l'identité. Puisque star mainstream, sa propension à aborder ces sujets facilite grandement leur médiatisation. Et ainsi, on l'espère, un meilleur éveil des consciences.
"J'ai toujours éprouvé une forme de conflit intérieur dans mon corps et mon esprit. Par exemple j'ai l'impression de penser comme une femme parfois. Je me suis même souvent demandé·e si je désirais changer de sexe. Mais à mon sens, je ne suis ni un homme ni une femme, je pense que j'évolue quelque part entre les deux. Tout semble se dérouler sur ce spectre", expliquait Sam Smith à l'actrice britannique Jameela Jamil l'an dernier. Un spectre qui reste encore à définir.
On connaît Ezra Miller pour ses rôles dans des films réputés - We Need to Talk About Kevin et Le Monde de Charlie - mais aussi des blockbusters comme Les Animaux Fantastiques. On aime Ezra Miller pour son talent indéniable, son style certain, son charisme intense. A l'instar du chanteur Harry Styles, iel favorise volontiers une approche "dégenrée" de l'univers de la mode, dans les pages du magazine GQ par exemple.
Mais on apprécie également Miller pour ses mots sur la non-binarité, décochés à sa jeune fanbase, la génération Z. Il y a deux ans, on pouvait lire ses déclarations du côté du Hollywood Reporter : "Je ne m'identifie pas. En fait, 'Queer' signifie cela : non, je ne fais pas ça, je ne m'identifie pas en tant qu'homme, je ne m'identifie pas en tant que femme". Et Ezra Miller de conclure : "Je m'identifie à peine comme faisant partie du genre humain". Une contestation des étiquettes moins légère qu'elle en a l'air.
Combat contre le cancer du sein, pour la représentation des personnes non-binaires dans la société, pour la justice raciale face aux oppressions systémiques, attention particulière portée sur l'éducation à la sexualité des plus jeunes et l'apprentissage des cultures queer... Source d'activisme digital et de conférences, aussi bien déployées sur le web sur dans les universités, la parole constamment inspirante d'Ericka Hart est sur tous les fronts.
Et tous les médias également : livres, vidéos, publications virales (suivez son Instagram ), podcasts... Tant et si bien que cet·te activiste, écrivain·e et orateur·rice noir·e et non-binaire est envisagé·e par le média générationnel The Riveter comme l'une des personnalités noires non-binaires "qui fait déjà l'histoire". Excusez du peu.
Denarii Grace enchante par sa poésie, son activisme, sa musique. Ses réseaux sociaux comme son site personnel dévoilent toute l'étendue de sa militance : celle d'une personne noire, grosse, bisexuelle et non-binaire. Sur des plateformes comme Medium, Denarji Grace revient longuement sur le laborieux cheminement que parcourent encore trop souvent celles et ceux dont les convictions sont volontiers raillées dans notre société.
"Et si je m'étais trompé·e sur qui j'étais ? Et si cela n'était pas tout à fait exact ? Et si personne ne me croyait parce que je me considérais et j'étais perçu·e comme une personne cisgenre depuis si longtemps ? Et si les gens attribuaient ma non-binarité à un besoin de se sentir différent·e ?" s'interroge Denarii Grace dans ce long post, partageant sa colère face "à l'invisibilisation des personnes non binaires et au mépris de leurs besoins".
Loués par de précieuses et complètes encyclopédies comme l'indispensable Non-Binary Wiki, ses mots se retrouvent également du côté de médias inclusifs et engagés comme Black Youth Project, Everyday Feminism ou encore Black Girl Dangerous. Sa parole éveillée nous rappelle que la lutte pour une meilleure compréhension de la non-binarité est bien souvent intersectionnelle. Au croisement des minorités et des oppressions.