Arrivée sur la chaîne américaine Starz au mois d'août 2014, Outlander est quelque peu passée inaperçue en France, jusqu'à ce que Netflix se décide à racheter les droits de diffusion de la série. Drame historico-fantasy qui balade ses téléspectateurs entre l'Angleterre d'après guerre et l'Écosse révolté de 1743, Outlander n'en reste pas moins une oeuvre diablement moderne. La raison est à chercher du côté de son personnage principal : Claire Fraser. Forte, intelligente, charismatique, et badass, Claire est l'héroïne féministe qui manquait à la télévision. En mai dernier, nous avons rencontré son interprète, l'Irlandaise Caitriona Balfe, pour évoquer avec elle la saison 2, mais aussi lui parler des racines de la série. Car si l'histoire d'amour de Claire et Jamie (Sam Heughan) est au coeur de l'histoire, Outlander se bâtit avant tout autour de son héroïne, de ses sentiments, de ses combats, de sa sexualité aussi.
A l'occasion de la sortie DVD de la saison 2 d'Outlander, rencontre avec la passionnante Caitriona Balfe.
Caitriona Balfe : Quand la saison 2 commence, Jamie et Claire viennent de vivre des événements traumatisants. Les scénaristes se sont beaucoup amusés avec la chronologie des livres, et à l'origine, il y avait beaucoup plus de scènes de sexe entre Jamie et Claire. Mais quand on a lu les premiers scénarios, on s'est dit que ça n'allait pas être possible. Après des événements aussi durs, il faut montrer l'impact qu'ils peuvent avoir. Autrement c'est trop simple. Donc on s'est tous mis d'accord sur le fait que Jamie avait besoin de de temps pour guérir et se remettre de ce traumatisme. Jack Randall n'a pas seulement agressé Jamie physiquement et sexuellement, il a aussi réussi à empoisonner l'intimité de Claire et Jamie. Et ça, dans un sens, c'était le plus gros traumatisme. Les blessures psychologiques étaient plus importantes que les blessures physiques et c'était important de montrer qu'il faut beaucoup de temps pour guérir.
C.B. : Non, pas vraiment. Je n'avais jamais tourné dans une série avant et je n'avais jamais joué de scène de sexe. Donc je ne savais pas à quoi m'attendre mais je savais qu'il y avait une certaine façon de faire les choses et cela m'intéressait. Quand j'ai rencontré Ronald (D. Moore, le créateur de la série, ndlr) la première fois, il était catégorique sur un point : Outlander est l'histoire de Claire et il voulait donc la raconter avec sa perspective à elle, le sexe y compris. J'ai trouvé ça très rafraîchissant. L'autre point sur lequel il était catégorique, c'est qu'il ne voulait pas que les scènes de sexe soient gratuites, qu'elles apparaissent à l'écran sans raison. Si elles devaient être présentes, c'était pour raconter un passage de l'histoire et faire avancer l'intrigue. Tout ça était très excitant. On ne s'est pas dit : "On va faire une série féministe". C'était très organique. On avait tous envie de raconter l'histoire d'une femme de la façon la plus honnête possible. Et j'ai le sentiment que l'on a réussi.
C.B. : A qui le dites-vous ! C'est drôle parce que parfois je m'énerve si on ne me donne pas d'arme pour me battre (rires). Il faut se battre contre ces perceptions très traditionnelles de ce qu'une femme peut faire et ne peut pas faire. Et c'est intéressant de pouvoir faire ça dans une série qui est à la fois dramatique, historique et fantasy. Même dans les années 40, Claire n'avait pas forcément beaucoup de liberté. Mais elle la demandait. Et c'est ce que j'aime chez elle. Claire n'accepte pas les moeurs imposées par la société. Donc oui, selon moi c'est important qu'elle soit comme ça. Quand on participe à une série comme Outlander, on sait qu'elle va être absorbée par une grande partie de la population. Alors si on peut faire la différence, si on peut faire réfléchir les gens différemment, ouvrir leur esprit, c'est un excellent point pour nous.
C.B. : Je suis venue au métier d'actrice après une carrière de mannequin. Quand j'ai commencé, j'avais 30 ans. Et pour moi, pouvoir arriver là en étant une femme, obtenir le rôle d'une héroïne qui a confiance en elle, qui a une sexualité épanouie, qui dialogue avec les autres, ce fut quelque chose de tellement génial. Claire est une femme tellement libre. Je ne porte pratiquement jamais de maquillage à l'écran, et ça fait du bien. Je n'ai pas à me soucier de cette espèce de vanité qui entoure les femmes dans cette industrie.
C.B. : C'était intéressant. Au début de la saison 2, on voit que Claire s'amuse avec cette féminité retrouvée, et pour moi, qui aime autant la mode, c'était un rêve d'enfiler de tels costumes. Quand on a commencé le tournage, j'étais très excitée. Mais ces costumes sont contraignants. Dans un sens, mes émotions se superposaient à celles de Claire. Je sentais monter la frustration semaine après semaine. Lorsqu'on porte des robes pareilles, on ne peut pas s'asseoir. Les corsets sont tellement serrés qu'on ne peut pas boire ou manger. Et pour Claire, qui est si libre, être transformée en espèce d'ornement est une véritable entrave à sa personnalité. Le retour en Écosse a été un véritable soulagement, autant pour elle que pour moi.
C.B. : Pas vraiment. Je ne peux pas parler à la place des scénaristes. Je ne sais pas si c'est quelque chose dont ils sont conscients. Mais lorsque vous faites votre travail, je ne pense pas que vous réfléchissez aux résultats. Vous prenez chaque moment l'un après l'autre et vous essayez de rendre tout ça le plus franc possible. Si on commence à trop réfléchir à la façon de faire plaisir aux gens, on se déconnecte du moment présent et au bout du compte, on se plante.
C.B. : Je ne peux pas vous dire grande chose (rires), c'est encore un secret ! Ce que je peux dire néanmoins, c'est que pour une actrice, pouvoir jouer ça est une belle opportunité. C'est très intéressant de pouvoir examiner le futur de son personnage, de voir s'il a changé, s'il est resté le même sur certains points. Ça va être très fun de jouer ça. On a beau avoir en nous un enfant qui ne grandit jamais, expérimenter une version plus âgée de soi-même est une expérimentation qui peut nous changer fondamentalement. Donc ce que je peux dire c'est que ça va être très intéressant.
Outlander saison 2 en DVD, Sony Pictures, 13 épisodes, 27,99€