Toutes les théories de l’évolution ne font pas forcément grand bruit. Celles qui concernent l’arrivée des règles des femmes, les « ménarches », en particulier. Mais nos corps bougent et ce qui était valable hier ne l’est plus nécessairement aujourd'hui. Il y a 150 ans à peine, l’âge moyen de ces ménarches était 17 ans, sauf en périodes de guerre et de famine ou le stress et la nécessité de survie provoquaient leur arrivée bien plus tôt. Aujourd'hui, la moyenne se situe autour de 12 ans, sans guerres, mais avec le stress. Les théories varient, mais certaines avancent que l’absence du père biologique, ou la présence de demi-frères ou d’hommes qui ne sont pas de la famille biologique indique à la jeune fille qu'il est temps de devenir pubère, et c’est l’odorat qui est le premier moteur de cette transformation.
Peu de jeunes femmes savent que leurs premières règles viennent sans ovulation, il faut généralement un an ou deux de plus, pour que celle-ci soit effective. Des scientifiques ont récemment découvert une protéine, la kisspeptine, qui joue un rôle important en accélérant la sécrétion de gonadotropine. Cette hormone est essentielle dans la production de testostérone pour les hommes et d’estradiol pour les femmes, provoquant ainsi le développement de la puberté et de l’ovulation. (Pour la petite histoire, le nom vient du chocolat « Kiss », de la marque Hershey, la découverte de la protéine ayant eu lieu dans un laboratoire à proximité de l’usine de chocolats.)
La mort symbolique de l'enfant
Dans un grand nombre de cultures anciennes, l’arrivée des premières règles était l’objet de rites. Dans la Grèce Antique, les jeunes athéniennes se rendaient dans le sanctuaire d'Artémis de Braurôn pour lui offrir le linge de leurs premières règles. On désignait le flux sanguin sous le nom de « katamênia », qui signifiait aussi « cycle de la lune », car seules la régularité des règles et des cycles de la lune permettaient de mesurer les jours qui passent. C’est ainsi que « mois », « menstrues » et « lune » partagent des racines et s’entrecroisent encore dans de nombreuses langues. Dans la plupart des cultures occidentales, l’arrivée des règles est une mort symbolique : c’est la fin de la petite enfance, lorsque les premiers sangs affluent, c’est ensuite une période de non-procréation vécue comme un deuil, et par superstition on a longtemps tenu les femmes menstruées à l’écart du vivant, dans les champs comme à table. A cette idée de douleur psychique s’ajoute celle de douleur physique, qui est acceptée comme une fatalité par la plupart des femmes, et simples prémices des douleurs à venir de l’enfantement.
Il est intéressant de voir que dans d’autres cultures, les symboliques positives associées au flux cataménial entraîne une diminution significative voire une absence des 200 symptômes ou douleurs pré-menstruelles répertoriées; là où l’Occident parle d’impureté, ailleurs le sang des femmes est le symbole de la force vitale, comme, par exemple, en Indonésie ou à Taïwan. Ainsi les symptômes s’estompent.
Il serait bon que les publicitaires cessent de montrer des publicités pour des protections périodiques où le rouge du sang est systématiquement remplacé par un liquide d’un bleu azuréen, défendant que la protection est « hygiénique ». Car si rouge ne peut être vu, cela sous-entend qu'il faut le cacher, qu'il est encore maléfique. En montrant un liquide rouge dans une publicité, on pourrait ainsi mieux défendre auprès des nouvelles générations l’idée que les ménarches doivent être accueillies avec félicité. En attendant ce miracle, reste l’option de dire à nos filles qu'il est des contrées où le seul sang qui coule entre les cuisses des femmes est matière à réjouissance.
Voilà une évolution qui pourrait ainsi faire du bruit auprès de 51% de la population : les femmes.
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