1,5 million : c’est le nombre de pilules du lendemain vendues chaque année en France. Un chiffre important en apparence, mais en réalité bien faible au regard des 7 à 20 millions d’accidents contraceptifs annuels recensés par les autorités de santé. D’ailleurs, une enquête BVA réalisée récemment pour le laboratoire HRA Pharma révélait que 31% des femmes fertiles et hétérosexuelles (soit 2,5 millions) ont eu des rapports à risque de grossesse non-souhaitée au cours des douze derniers mois ; une proportion qui grimpait même à 46% chez les 16-24 ans. Or, 80% de cette population n’a pas jugé utile d’avoir recours à la contraception d’urgence, pourtant en vente libre. Parallèlement, le nombre d’interruption volontaire de grossesse, lui, ne cesse d’augmenter. Si l’on en croit les données de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), pas moins de 225 000 avortements seraient ainsi pratiqués chaque année en France.
Les raisons d’un tel paradoxe ? Pour le docteur Michèle Lachowsky, gynécologue et psychosomaticienne, il s’agirait de freins psychologiques. « En premier lieu, un sentiment de honte et de culpabilité. Les femmes se sentent coupables d’avoir eu une relation non-protégée, explique-t-elle. Avec tout l’arsenal contraceptif dont elles disposent, elles se disent qu’elles devraient être suffisamment maîtresses d’elles-mêmes pour éviter de se retrouver dans des situations dérangeantes. Et quand elles se retrouvent enceintes alors qu’elles ne le souhaitent pas, c’est qu’elles ont été inconscientes ou imprudentes, pensent-elles, d’où leur gêne ».
D’autres réticences à la contraception d’urgence découlent, elles, d’un manque d’information ou d’idées reçues, « la pilule du lendemain restant mystérieuse pour bien des femmes. Certaines pensent par exemple qu’en la prenant, elles avortent ou peuvent devenir stériles, ce qui n’est absolument pas le cas », affirme le docteur Lachowsky. En effet, pour 26% des femmes, l’effet de la pilule du lendemain serait similaire à celui d’un avortement, tandis que pour 8% des répondantes, elle rendrait stérile. Pourtant, il n’en est rien. « Tout cela démontre l’importance d’une meilleure information en amont des situations d’urgence. Nous, gynécologues, devrions prendre l’habitude de parler de la contraception d’urgence à nos patientes », reconnaît le docteur Lachowsky.
Outre leur manque de confiance dans la pilule du lendemain, les femmes auraient de plus en plus tendance à interrompre volontairement leur contraception classique, pendant une durée plus ou moins longue. Un comportement qui multiplie les risques de grossesse non-désirée et concernerait près d’une femme sur dix. Période d’abstinence ou rapports sexuels irréguliers, lassitude de la méthode et nouvelle tendance du retour au « tout naturel », absence d’ordonnance disponible… Aussi multiples soient-elles, les raisons de ces arrêts temporaires n’étonnent pas Christian Jamin, gynécologue et endocrinologue. « L’interruption contraceptive n’est pas un accident mais un processus quasi obligatoire dans la vie d’une femme, analyse-t-il. La prise de contraceptifs oraux pendant la durée de sa vie féconde – de 17 ans, âge moyen du premier rapport sexuel, à 50 ans environ - représente plus de 8 000 comprimés ! Les oublis sont inévitables. La lassitude ne l’est pas moins et favorise les conduites à risque. »
Aussi, pour faire face à cette réalité et éviter aux femmes l’expérience parfois traumatisante d’une IVG, Michèle Lachowsky appelle ses confrères à prescrire à leur patientes, lors de leurs consultations médicales de routine, une contraception classique associée à une contraception d’urgence. Un point de vue partagé par le docteur Jamin : « Aujourd’hui, la prise en charge contraceptive doit s’inscrire dans une démarche globale avec 3 impératifs : une prescription de contraception "classique", une information pédagogique sur toutes les méthodes contraceptives et enfin l’information, voire la prescription à l’avance, d’une pilule du lendemain. » Une mesure qui permettrait aux femmes de faire face aux accidents ou aux arrêts temporaires de contraception.
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