Pierre Lefébure : La participation étant élevée, le score en % des candidats importants s’en trouve forcément gonflé en nombre de votants, c’est un effet mécanique. Comment expliquer la sous-estimation de la présence du FN au premier tour dans les sondages des derniers mois ? Tout d’abord par le fait que les sondeurs ont procédé par de nombreuses enquêtes sur Internet, un format qui ne touche pas la même population que certaines autres formes d’enquêtes plus classiques, comme celles effectuées par téléphone. Or Marine Le Pen enregistre un score très fort chez un électorat populaire, une catégorie de population moins équipée en Internet et qui répond moins aux sondages en ligne. Les nouveaux outils des sondeurs nous éloignent d’une certaine catégorie d’électeurs du Front National. Par ailleurs, les intentions de vote exprimées vis-à-vis du FN sont généralement redressées par rapport aux précédents scores marqués par le parti. Etant donné que les niveaux d’intentions de vote étaient déjà élevés, les instituts de sondage ont procédé à de faibles redressements, estimant que les électeurs avaient moins de tabou à exprimer leur vote pour Marine Le Pen qu’ils pouvaient en avoir vis-à-vis de Jean-Marie Le Pen. Peut-être aurait-il fallu réaliser un redressement plus important : les deux-trois points qui diffèrent entre les sondages et les résultats définitifs viennent certainement de là. Reste que le vote d’extrême droite est toujours difficile à prévoir.
P.L. : Cela va avoir un impact politique très fort sur sa stratégie électorale. Pour Nicolas Sarkozy, l’équation est compliquée. En tant que président sortant, il a concentré les critiques venant de tout l’échiquier politique durant la campagne du premier tour et il ne s’est dessiné aucune forme de proximité avec un autre candidat. Il va désormais devoir ramer pour aller chercher les électeurs d’extrême droite et l’électorat de François Bayrou. Concernant la question des consignes de vote, selon moi ni Marine Le Pen ni François Bayrou n’a d’intérêt à en donner. Ce ne serait pas cohérent de lancer des messages de ralliement aussi nets que celui qu’a pu lancer Eva Joly, appelant ses électeurs à voter François Hollande. Du côté du centre, il existe des divergences au sein du MoDem, avec certains cadres du parti de tendance centre-droit qui tendent à rejoindre Nicolas Sarkozy et d’autres qui convergeraient plus vers François Hollande. De plus l’électorat du MoDem est très composite : il n’y a aucun intérêt pour François Bayrou à émettre une consigne claire, surtout avec la perspective des législatives. Pour le MoDem comme pour le FN, l’objectif est de consolider leur base électorale en vue du troisième tour : les législatives.
P.L. : Toutes les enquêtes montrent que les électorats du centre et du FN sont très hybrides : ils peuvent tendre à gauche ou à droite selon les sujets soulevés par la campagne. Si la campagne s’accentue sur les enjeux sociaux-économiques, alors les électeurs du FN seraient plus tentés de voter pour le PS. Si au contraire ce sont les thématiques de la sécurité et des valeurs qui sont mises en avant, ce serait une incitation à voter à droite. Les reports de voix vont donc dépendre de la tonalité donnée à la campagne. Ce qu’on a vu pour l’instant, suite aux premières réactions suivant les annonces des résultats du premier tour, c’est que Nicolas Sarkozy a tenté de faire valoir l’incompétence et l’inexpérience de François Hollande. Mais c’est un angle qui risque de ne pas fonctionner et a peu de chance de trouver un écho à ce stade avancé de la campagne. Une deuxième série d’argumentaire va porter sur le prisme de la sécurité, des frontières et de l’immigration dans l’espoir de récupérer des électeurs de Marine Le Pen. Pour attirer l’électorat de François Bayrou la droite sera peut-être tentée d’agiter le drapeau de la réduction du déficit budgétaire, mais il s’agit là d’un motif moins viscéral, moins sensible.
P.L. : On a rarement eu un rapport au premier tour aussi favorable à la gauche. La situation est relativement confortable pour François Hollande, qui n’a pas à créer de dynamique spécifique et doit juste entretenir une structure qui lui est favorable. Le candidat socialiste a tout d’abord refusé de céder aux injonctions de Nicolas Sarkozy réclamant trois débats pour l’entre-deux tours. Cela illustre sa volonté de renvoyer M. Sarkozy à l’image d’un candidat en perdition et à son déficit du premier tour. Il s’agit là d’une approche somme toute classique. François Hollande bénéficie par ailleurs d’une très forte assise du bloc de gauche : il ne lui reste plus qu’à éviter toute erreur qui pourrait faire penser qu’il ne sera pas un président de gauche, afin de mobiliser les électeurs de Jean-Luc Mélenchon.
Crédit photo : AFP
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