En raison de vices de forme dans la procédure, le géant pétrolier Total pourrait être totalement blanchi dans l’affaire de la marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika le 12 décembre 1999, qui avait répandu du mazout sur 400 km de côtes françaises et sur près de 150 000 oiseaux. En effet, l’avocat général de la Cour de cassation, Didier Boccon-Gibod, vient de demander à casser l’arrêt rendu lors du procès en appel de mars 2010, qui avait reconnu pénalement responsable la firme Total, mais également la société de classification Rina, l'armateur Giuseppe Savarese et le gestionnaire Antonio Pollara. En cause, la légitimité et le droit de la justice française à juger le naufrage d’un navire battant pavillon maltais, qui s’est échoué hors des eaux territoriales dans une Zone Economique Exclusive (ZEE). L’avocat général avance que la loi nationale de 1983 sur laquelle sont fondées les poursuites n’est pas conforme aux accords internationaux signés par la France. Il remet en cause la reconnaissance du préjudice écologique et particulièrement son indemnisation.
Ce nouveau rebondissement dans l'affaire, qui s’est étalée sur plus de dix ans, n’est pas du tout du goût des parties civiles : Eva Joly, l’ex-candidate EELV à l’élection présidentielle, a dénoncé « une complicité entre l'État et Total. L'État a marché main dans la main avec Total ». Un point de vue partagé par les collectivités régionales, qui s’étaient portées parties civiles et avaient obtenu des dommages et intérêts au titre du préjudice écologique : « Nous sommes anxieux sur le résultat et déterminés sur le fait qu'on ne s'en tiendra pas là », avait annoncé Jean-Yves Le Drian, alors président de la région Bretagne, lors d’une conférence de presse suite aux réquisitions de l’avocat général.
La Cour de cassation, qui examine donc le droit de cette affaire et non le fond, devrait rendre son arrêt au mois de septembre. A l’issue de sa décision, l’affaire pourrait être soit définitivement close, soit renvoyée partiellement en appel, soit totalement rejugée devant un nouveau tribunal d’appel. Total a d’ores et déjà annoncé que les quelque 171 millions d'euros versés aux parties civiles lors du premier procès en 2008 restaient acquis aux plaignants.
Laure Gamaury
Avec AFP
Crédit photo : AFP
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