Société
Pourquoi nous devrions continuer à parler des règles (encore et encore)
Publié le 11 janvier 2018 à 16:37
Par Charlotte Arce | Journaliste
Le tabou qui entoure les menstrues féminines a encore de beaux jours devant lui. Selon une récente enquête menée auprès d'Américaines, plus de la moitié des femmes continuent à avoir honte de leurs règles.
Pourquoi nous devrions continuer à parler des règles (encore et encore) Pourquoi nous devrions continuer à parler des règles (encore et encore)© Instagram/Passions Menstrues
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Les femmes ont leurs règles chaque mois, depuis la nuit des temps, et pourtant, le simple fait que l'on puisse le savoir les met dans un embarras tel qu'elles s'empêchent encore aujourd'hui de vivre normalement en restreignant leurs activités lorsqu'elles ont leurs menstruations.

C'est ce qui ressort d'un récent sondage américain commandé par la marque de sous-vêtements menstruels THINX, qui a cherché à comprendre les perceptions qu'ont 1 500 femmes et 500 hommes des menstruations féminines.

Une intériorisation du tabou autour des règles

Les résultats obtenus sont édifiants : 58% des femmes interrogées déclarent donc avoir honte d'avoir leurs règles. Cet embarras ne vient pas de nulle part : 42% des femmes affirment en effet avoir subi des moqueries ou des commentaires désobligeants de la part d'amis masculins, de membres de leur famille ou de camarades de classes parce qu'elles avaient leurs règles.

Moquées, considérées comme sales et impures, les règles sont toujours vues, pour les hommes, comme quelque chose que l'on doit cacher et dont on ne doit surtout pas parler ouvertement. Ainsi, plus de la moitié de ceux qui ont été interrogés lors de ce sondage ont déclaré qu'ils jugeaient inapproprié que leurs collègues féminines parlent ouvertement de leurs règles au travail. 44% admettent faire des blagues sur la supposée mauvaise humeur de leur compagne quand elle a ses menstruations (le fameux "T'as tes règles ou quoi ?").

Il n'est donc pas étonnant que les femmes aient intériorisé cette gêne des règles. Près de trois quarts (73%) des femmes interrogées affirment avoir dissimulé une protection périodique sur leur chemin vers les toilettes. 65% ont porté des sous-vêtements spécifiques afin que toute fuite soit invisible. 29% ont quant à elles annulé un cours de sport pendant leurs règles pour ne pas que cela puisse se savoir. Sept femmes sur dix ont déjà demandé à une amie de marcher derrière elles quand elles avaient leurs règles pour "vérifier" si cela ne se voyait pas à travers leurs vêtements.

Mais la honte visuelle n'est pas la seule partie de la stigmatisation contre les femmes et leurs règles. 63% des femmes interrogées disent avoir annulé leurs plans parce qu'elles étaient aux prises avec un syndrome prémenstruel ou une douleur chronique. "Beaucoup de femmes subissent le "period-shame" (la honte des règles) dès leur premier cycle, qui arrive parfois dès l'âge de 8 ans, analyse pour le Daily Mail une porte-parole de Thinx. Ces sentiments d'embarras et de haine de soi seront ensuite renforcés par la société, qui leur demande d'être propres et pures. Et si ce n'est pas le cas, elles ne doivent pas en parler. À personne."

Oser parler de ses règles pour se réapproprier son corps

Or, comme nous le rappelait en novembre dernier la journaliste et auteure de Ceci est mon sang (Éd. La Découverte) Élise Thiébaut, cette honte qui pèse sur les jeunes filles et les femmes réglées les bride aussi dans leur vie de tous les jours, les empêche de mener à bien leurs projets et de vivre sereinement leur sexualité. "Non seulement on ignore ce que sont les règles, mais en plus on ignore qu'elles véhiculent plein d'idées fausses qui vont avoir une importance très grande sur la vie des jeunes filles. Elles vont conditionner la perception qu'elles ont de leur corps, de leur sexualité", explique-t-elle. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a publié récemment Les règles, quelle aventure ! (Éd. La Ville Brûle), un "outil d'émancipation" destiné aux adolescentes pour leur faire comprendre ce que sont les règles et que ces dernières, loin d'être honteuses, ne sont ne sont en réalité qu'un phénomène naturel et parfaitement normal.

"L'idée, c'était vraiment de montrer que le tabou autour des règles joue un rôle important dans l'oppression des femmes, qu'elles sont toujours parfois un instrument de domination pour leur dire que ce sang qui sort d'elles est impur, dangereux. C'est une manière de restreindre leur manière d'agir en leur faisant honte, en affectant leur estime de soi. Et le problème c'est que les femmes intériorisent ça. Parce qu'on se dégoûte soi-même, on pense qu'on dégoûte les autres. Or, il ne faut pas oublier que les règles, ce ne sont qu'un peu de sang."

La preuve de l'oppression intériorisée des femmes avec les autres résultats du sondage : une femme sur trois admet ainsi être mal à l'aise à l'idée d'utiliser le mot "vagin", tandis que 62% se sentent honteuses rien qu'à utiliser le terme de "règles". D'ailleurs, près de la moitié des femmes (47%) ont recours à des petits surnoms plus "attrayants" pour parler de leurs menstruations : 87% d'entre elles parlent de leur "moment du mois", 36% de leur "visiteur mensuel" tandis que 34% en appellent à "mère Nature".

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