Ex-tradeuse, ancienne footballeuse professionnelle, féministe, business woman. Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire Miki Agrawal. À 37 ans, cette New-yorkaise pur jus passée par la Deutsche Bank et les terrains de foot est à la tête d'un des business les plus porteurs outre-Atlantique. Et aussi les plus engagés. Son crédo ? La création et la commercialisation de culottes spéciales menstruations, des "sous-vêtements qui ne fuient jamais, ne se tachent jamais, absorbent le sang et soutiennent les femmes tous les jours" . Une évidence, quand on sait que les femmes composent la moitié de l'humanité et que les tampons et les serviettes hygiéniques constituent un luxe pour celles vivant dans les pays en développement.
Briser le tabou autour des règles
C'est de cette prise de conscience qu'est né le concept de Thinx. En 2010, alors qu'elle se trouve à Johannesburg pour la Coupe du monde de football, Miki rencontre une jeune fille qui lui explique ne pas aller à l'école pendant "sa semaine de honte". "Cette phrase a changé ma vie, raconte Miki Agrawal à Hélène Coutard, journaliste pour le magazine Society. Je lui ai demandé de quoi elle parlait, et elle m'a expliqué que quand elle avait ses règles, elle restait chez elle. Elle avait essayé de se servir de feuilles, de bouts de matelas, de sacs plastique, rien ne marchait. Alors elle a juste arrêté d'aller à l'école cette semaine-là. Quand je suis rentrée, j'ai fait des recherches et j'ai réalisé qu'il y avait un énorme problème dans les pays en voie de développement : plus de 100 millions d'Africaines sèchent les cours quand elles ont leurs règles, et un million d'entre elles abandonnent tout simplement."
L'année suivante, Mili Agrawal saute le pays et lance Thinx, la première marque de sous-vêtements en microfibres absorbant le flux menstruel des femmes. Aussi évident et novateur soit-il, le concept porté par Miki Agrawal peine dans un premier temps à convaincre les investisseurs - majoritairement des hommes-, pas franchement emballés au premier abord à l'idée de financer un business dédié aux règles. L'entrepreneuse décide alors de leur "parler chiffres" pour les convaincre. Et ça marche : Thinx réussit à lever 65 000 dollars sur Kickstarter.
Les investisseurs ont eu raison de placer leur confiance dans Thinx. Entre 2014 et 2015, l'entreprise dirigée par Miki Agrawal a réalisé un chiffre d'affaires de 3 000%. Aux locaux à la cool que possède l'entreprise à Williamsburg, Brooklyn, s'ajoutera prochainement un grand entrepôt européen pour satisfaire la demande croissante et réduire les délais de livraison.
La business woman a même gagné son bras de fer contre la Metropolitan Transportation Authority (MTA), qui refusait que Thinx emploie le mot "règles" dans son slogan et s'était opposée à l'affichage publicitaire de la marque dans les couloirs du métro new-yorkais. "C'est dingue que l'on ait encore honte de quelque chose qui crée la vie", s'indigne Miki.
Branchée et haut-de-gamme, Thinx promet de révolutionner nos cycles, mais aussi de dédramatiser les règles, encore taboues dans de nombreuses cultures, à commencer par la nôtre, qui veut bien voir des femmes poser en petite culotte, tant que celle-ci n'est pas tachée de sang.
Soutenue par les médias, la campagne Thinx a fini par remporter la bataille contre les bien-pensants. Son combat désormais : donner plus de pouvoir aux femmes en leur donnant la possibilité de faire du sport, travailler, bref, continuer à vivre, même pendant leurs règles. "Grâce à la vente de culottes Thinx, on finance AFRIpads [une entreprise qui fabrique des serviettes hygiéniques réutilisables à bas prix en Ouganda, ndlr], ce qui leur permet d'évoluer, d'engager des femmes locales, de créer un business durable dans la région afin de pouvoir baisser le prix pour l'utilisateur final : les femmes. Aujourd'hui, je veux améliorer l'expérience des femmes dans le monde occidental, tout en offrant des droits à celles des pays en voie de développement."