En fait, ce qui est surtout très frappant, c’est le CV en lui même du Dr. Shirley Zussman. Elle obtient un diplôme de la prestigieuse université scientifique Smith en 1934, puis commence entame une thèse sous la direction de Margaret Mead, une véritable star de l’anthropologie de la culture, que la plupart des étudiants en sciences humaines ont dû, à un moment ou à un autre, lire. Puis dans les années 1960, en pleine libération des moeurs, elle commence à s’intéresser à la thérapie sexuelle. Son mari a été le premier à pratiquer un avortement légal dans l’État de New York. Elle a derrière elle plus de 50 ans de carrière, où elle a aidé des jeunes et des moins jeunes dans leur vie sexuelle.
« Je ne pense pas que le sexe est [aujourd'hui] aussi frénétique que les relations d’un soir dans les années 1960 », explique-t-elle tranquillement face caméra. Et de poursuivre: « je pense qu’il y a eu un grand changement dans la manière dont on voyait les relations d’un soir. Dans les années 60, ce n’était pas simplement des relations d’un soir - c’était totalement frénétique. Vous vous y attendiez, vous aviez envie que ça arrive, c’était en quelque sorte une recherche folle du plaisir sexuel », raconte-t-elle. Selon-elle, aujourd’hui, nous sommes trop occupés pour nous soucier de plaisir… mutuel.
Elle poursuit: « On utilise notre temps de manière différente aujourd’hui. Les gens sont occupés en permanence. Ce n’était pas vrai lorsque j’ai grandi. À cette étape de notre développement, on veut tout faire, tout savoir, tout couvrir, et il y a aussi notre système économique corrélé à l'état notre portefeuille qui requièrent une immense quantité de temps et d’effort…. Il y a donc une limite en termes de quantité d’énergie, de désir et de temps que vous pouvez consacrer à une personne lorsqu’il y a toute cette pression pour gagner davantage d’argent, pour monter dans la hiérarchie, pour acheter une maison de vacances - les gens veulent plus, encore et davantage. Le désir aussi requiert une certaine quantité d’énergie ».
Pourtant, comme elle l’explique, tout n’est pas sombre en 2014 question sexe. Des tabous sont tombés, et la société montre davantage d’ouverture sur la question: « Il y a eu le développement de la pilule, les femmes sont soudainement devenues plus libres, tout du moins grâce au fait de pouvoir moins angoisser face au risque de tomber enceintes, il y a eu une kyrielle de magazines et de programmes TV qui se sont mis à parler de sexe, la publicité utilisant en permanence la sexualisation pour vendre des produits. Il y a eu une immersion irrésistible dans l’idée générale que l’on pouvait tirer davantage de plaisir du sexe. Soudain, la chose ne servait plus surtout à faire des bébés ».
Elle prévient cependant, que l’on doit toujours mettre un point d’honneur à développer la communication dans le couple, pour justement atteindre un meilleur niveau de plaisir dans l’acte amoureux. En revenant sur les années 1960, elle raconte: « Dans une série comme Masters et Johnson [ancêtre de Masters of Sex] il ne s’agissait pas simplement de glorifier le sexe, ou de le rendre glamour, mais de le décrire comme un apprentissage - on devrait presque apprendre le fait d’être un bon partenaire. Leurs inventions en termes de communication sont l’une de leurs plus grandes contributions - il ne s’agissait pas d’en parler tant que ça, la communication peut être ailleurs - mais surtout de commencer par le toucher et les caresses, le contact et les bisous, et de ne pas se ruer vers la cloche dorée au milieu du carrousel (sic) ».
Aujourd’hui, en revanche, Shirley Zussman se dit « choquée par le manque de connexion entre les gens », malgré, justement, le fait que tout soit connecté à l’extrême. L’antidote, selon elle, serait de retrouver un goût pour le contact physique tel que décrit plus haut, travailler son désir avec un niveau d'inhibition semblable à ce que l'on retrouvait dans les années 1960 en pleine libération sexuelle, être « frénétique », mais sans toutefois tomber dans les écueils de ces années. Car comme elle l’explique: « sur le long terme, le plaisir sexuel n’est qu’une partie de ce qu’un couple attend l’un de l’autre. Ils veulent de l’intimité, du rapprochement, de la compréhension, ils veulent s’amuser, et ils veulent quelqu’un qui se préoccupe vraiment d’eux, au-delà du fait de simplement coucher ensemble ».