A en croire les publications les plus osées du compte Instagram Amours solitaires, sexter est un art. Un véritable exercice de poésie brûlant, qui stimule l'esprit autant que le corps, et ne laisse personne indifférent·e. Les phrases sont savamment tournées, les mots enivrent et restent en tête. Pendant le confinement, ces missives digitales torrides semblent même avoir égalé, en fréquence, les déclarations sentimentales auxquelles la page est d'abord dédiée.
Hier, on y lisait : "Le rythme de ton coeur entre mes jambes, le frisson causé par ton souffle, ton gémissement m'entraînant encore et encore dans un tourbillon, j'ai le vertige de toi, la soif de ta bouche, la faim de ta peau, les battements du désir sur le bout de ma langue, l'envie de toi en moi et de moi en toi, sans dessus dessous, sans aucun pôle de gravité". Inutile d'illustrer, le texte parle de lui-même.
Dans d'autres cas en revanche, pas l'temps de niaiser. On veut aller droit au but, et les "battements du désir" nous paralysent le cerveau. Bref, on veut se faire comprendre rapidement, quitte à se passer de mots. A la place, on se tourne vers une solution aussi ludique qu'efficace - quoique tout autant propice à la création : les emojis. Ces petits symboles au design toujours plus travaillé traduisent un bon nombre de situations. Et une partie d'entre eux, le cul.
Pour Margarida Rafael, sexologue, on ne doit surtout pas sous-estimer leur intérêt. "C'est un moyen de se découvrir sexuellement en dehors de la chambre à coucher", assure l'experte au magazine américain Women's Health , "et même de parler de fétiches et d'envies que vous n'oseriez pas aborder en face à face, surtout dans les premiers temps d'une relation". Alors banco.
On connaît les classiques "aubergine", "pêche" et "goutte d'eau", mais à en croire la spécialiste, il en existe davantage dont le sens n'est pas forcément limpide - car multiple selon les régions et les utilisateur·ice·s. Mais puisqu'on ne veut vous priver d'aucun moyen de communication par ces temps difficiles, surtout quand il s'agit de se faire du bien à distance (et aussi de s'éviter quelques quiproquos gênants), voici ce qui se trame, en gros, derrière le langage 2.0.
On vous en parlait plus haut, il y a d'abord ceux qui n'ont pas besoin d'explication. L'aubergine, le hot-dog, la banane, l'épi de maïs : tout ce qui ressemble à un pénis représente donc... un pénis. En anglais, l'os a une définition précise quand la discussion n'implique pas que vous allez récompenser votre chien : baiser. "To bone", dans la langue de Shakespeare, signifie "avoir un rapport sexuel". Et "have a boner", "bander".
Si vous recevez l'un de ces quatre caractères, surtout accompagnés d'une main, d'une langue, d'une bouche, des trois gouttes, voire de deux mains qui miment un doigt dans un trou, aka le signe "OK", votre interlocuteur n'essaie pas de vous dire qu'il a envie de s'affairer en cuisine ou de passer son baptême de plongée : il veut plutôt que vous gouttiez son chibre.
Tout aussi célèbre : la pêche, qui représente les fesses. Un fruit tout rond qui donne envie de caresses. Ou de sodomie, au choix. Et puis, bien sûr, les visages entendus. Le sourire de côté étant le plus utilisés quand l'humeur est coquine.
Vient également le clin d'oeil, la bave au coin des lèvres (que d'aucuns associeraient au résultat d'une fellation qui a dérapé), le singe qui se cache les yeux pour signifier un message "risqué", la flamme, l'étincelle et le feu d'artifice qui incarnent l'orgasme et le désir, et les deux incontournables : l'ange et le démon. Le premier traduit un air de ne pas y toucher, le deuxième une intention assumée. Clairs comme de l'eau de roche.
Si on fouille un peu plus, certains emojis aux airs anodins peuvent eux aussi, basculer du côté de la luxure quand on les utilise à bon escient.
Mais avant tout : où sont les vulves ? Les symboles phalliques pleuvent, mais pas un organe sexuel féminin en vue ? Si, elles sont seulement moins évidentes. Women's Health nous révèle ainsi que, en code emoji, les lèvres et le vagin sont représentés par le tacos, le biscuit chinois, le donut ou encore le sushi (en référence à Drake, apparemment, qui chantait "I love your sushi rolls/Hotter than wasabi", "j'aime tes sushis, plus chauds que le wasabi"). Gourmand.
Autre gâterie : la sucette. Cette fois, ce sont les rappeurs américains 50 Cent et Lil Wayne qui évoquait la "lollipop" dans des morceaux qui laissaient peu de place au doute. Ou encore le symbole du Cancer, similaire au chiffre 69, qui enchantera les fans d'astrologie. Pour finir, notre petite préférence va au·à la surfeur·se qui glisse sur une vague façon "j'arrive sous tes draps", et au cow-boy qui sourit, près pour une chevauchée sauvage.
Bien sûr, il s'agit là d'une liste non-exhaustive. Chaque illustration qui n'y figurerait pas peut aussi être redéfinie en privée, quitte à devenir un code exclusif entre deux amant·e·s qui souhaiteraient que leurs messages restent difficiles à déchiffrer. De quoi faire marcher l'imagination, et intensifier l'excitation.