Vendredi 3 mai, l’ensemble des magasins reçoit l’ordre de commencer à préparer les « soldes » pour le lundi 13 mai. Quand ce lundi matin arrive, je suis à mon poste à 8h30. Pendant que je mets les « soldes » en place, les gens qui travaillent au siège de la société défilent à la caisse pour faire leurs achats. Eux ne sont pas restreints, après tout pourquoi restreindre ceux qui ont le plus de pouvoir d’achat dans l’entreprise ? Alors que les vendeurs du magasin n’ont le droit de prendre qu’une seule tablette, ou qu’un seul ordinateur, les gens du siège eux peuvent acheter ce qu’ils veulent.
Dehors la foule, qui attend depuis près de deux heures, commence à gronder. Enfin, 10h sonne et les portes s’ouvrent, c’est la ruée vers l’or. Plus rien n’existe pour ces animaux, et encore moins les vendeurs. L’objectif : les produits multimédia. Malheureusement, il ne reste plus grand-chose. Pas de produit Apple, pratiquement plus de tablettes, encore moins d’ordinateurs... Mais rien n’empêche les charognards d’essayer. « Il vous reste des iPads ? » « Vous avez des Wii U ? » Malheur au vendeur qui répondra non !
Toute la journée se déroulera ainsi. Tandis que ceux qui achètent pour revendre éclusent les stocks, la tension monte. Le magasin subit une tornade destructrice, pendant que nous soutenons les caissiers en faisant ce que nous n’avons pas le droit de faire : encaisser les clients. Et pour gérer tout ce beau monde, nous ne sommes encadrés que par deux agents de sécurité. En plus de devoir gérer la pression des clients qui s’impatientent, nous sentons monter un sentiment de danger imminent. La moindre escarmouche et nous risquons l’émeute... Enfin, à 19h, le magasin ferme ses portes, il sera entièrement vidé de ses clients à 21h.
Et c’est reparti pour un tour le mardi. Le même scénario se profile pour la journée. Avec un peu plus d’agressivité de la part des clients, et moins de self contrôle de la part des vendeurs. Des esclandres de plus en plus violents se produisent. Mercredi soir, à cause de l’hystérie des clients du magasin, l’encadrant prend la décision de fermer à 17h. Cette décision provoque la colère de ceux qui pensaient pouvoir encore faire de bonne affaires. Ce sera le dernier jour de « soldes ».
Virgin est mort ce vendredi 17 mai à midi dans l’indifférence générale, voire sous les hourras de certains sans aucune considération pour ceux qui ont donné des années de leur vie à cette entreprise. Aujourd’hui, il ne nous reste que l’espoir que le tribunal de commerce sauvera un maximum d’emplois et que nos actionnaires, démissionnaires voir saboteurs depuis des années, financent un plan social.
C’est pourquoi nous nous rassemblerons devant le tribunal jeudi 23 mai à 13h.