Depuis 2018, le gouvernement somalien étudiait un texte censé apporter davantage de protection aux jeunes femmes et jeunes filles contre les violences sexuelles, incluant le viol, les mariages précoces et les trafics sexuels. Dans le cas de son adoption, il prévoyait des peines pour les auteurs de ces actes, et des réparations en justice pour les victimes. Une avancée nécessaire.
Deux ans plus tard, le revirement de situation est dramatique. Le même texte est remplacé par un projet de loi qui autoriserait ces jeunes femmes et jeunes filles à être mariées dès "que leurs organes génitaux sont mûrs", détaille France Inter. Soit autour de 12 ou 13 ans pour la plupart, 10 ans chez certaines. Le mariage forcé, lui, deviendrait également légal dans la mesure où la famille donne son consentement. Pour ce qui est de celui de la première concernée, rien n'est stipulé.
Le vice-président du Parlement, Abdiweli Mudey, assure qu'il s'agit d'un projet "conforme à la loi et aux traditions islamiques". Une affirmation rejetée par de nombreux.se.s législateur.ice.s. "Notre constitution est basée sur l'Islam. Elle dit que l'âge de la maturité est de 18 ans, c'est l'âge idéal pour voter ou pour qu'une fille se marie", martèle la militante des droits humains Sahra Omar Malin. La Croix insiste sur le fait que, dans sa compréhension majoritaire, la religion n'autorise pas le mariage avant 18 ans.
Dans ce pays d'Afrique de l'Est, situé aux frontières du Kenya, de Djibouti et de l'Ethiopie, le sort des fillettes est depuis longtemps alarmant. Selon les Nations Unies, environ 45 % des femmes (chiffre variant selon les régions) sont ainsi mariées avant 18 ans. La moitié d'entre elles avant l'âge de 15 ans, et 98 % des Somaliennes ont subi des mutilations sexuelles. "Certaines familles marient leurs filles pour réduire leur fardeau économique ou gagner un revenu. D'autres pensent garantir l'avenir de leurs filles ou les protéger", précise Dheepa Pandian, porte-parole de l'UNICEF, aux journalistes de Reuters.
Pour les associations de défense des droits des femmes et des enfants, le projet de loi est d'autant plus incompréhensible que la Somalie s'est récemment engagée en faveur des droits des enfants. "Cette législation alternative contient des dispositions qui contreviennent gravement au droit international des droits de l'homme et aux règlements auxquels la Somalie est membre", dénonce la représentante spéciale de l'ONU sur les violences sexuelles dans les conflits, Pramila Patten, dans un communiqué. Elle "doit être empêchée de passer en loi", ajoute Michelle Bachelet, la responsable des droits de l'homme de l'ONU.
Julien Beauhaire, chargé des relations publiques pour l'organisation Plan international, rappelle à La Croix que le pays "a été un des derniers pays à ratifier la Convention internationale des droits de l'enfant en 2015. Et pourtant cela [ne l'] empêche pas de la bafouer". Le représentant, pointant l'augmentation d'excisions pendant le confinement, conclut : "À chaque fois qu'il y a une période d'instabilité, les femmes sont toujours les premières victimes".
Si la date du vote n'a pas encore été fixée, de nombreux·se·s activistes et citoyen·ne·s somalien·ne·s ont fait circuler une pétition réclamant le retrait du projet de loi. Aujourd'hui, plus de 47 000 personnes l'ont signée.