Quand la société nous martèle que l'on est différent, il est normal de se chercher de nouveaux modèles, des héros alternatifs qui nous aideront à outrepasser notre supposée différence et à nous accepter. Aurélie Crop en sait quelque chose. Il y a presque deux ans, la jeune femme est devenue maman pour la première fois d'un petit garçon albinos. Alors elle a cherché dans la littérature jeunesse des personnages dans lesquels son fils pourrait se retrouver... sans succès. De recherches en échecs, elle est arrivée à un constat simple : les livres pour enfants font preuve d'un manque de diversité flagrant. Mais Aurélie Crop n'a pas baissé les bras. On peut même dire qu'elle vient de faire un pied de nez bienvenu à tous ces bouquins bourrés de stéréotypes qui pullulent dans les rayons des grandes enseignes et des librairies.
Avec l'aide de l'illustrateur Olivier Chevillon et du développeur web Sébastien Doncker, elle vient ainsi de lancer Squiddykid, une start-up dont l'objectif est de se transformer en maison d'édition. Une start-up qui souhaite bousculer les clichés en proposant des livres personnalisables dans lesquels chaque petit lecteur, peu importe sa couleur de peau, son sexe ou celui de ses parents, pourra se retrouver. Un premier ouvrage est d'ores et déjà en préparation et laisse présager le meilleur pour la suite. Outre les illustrations travaillées et chaleureuses, on découvre ainsi une histoire modulable à souhait qui prend en compte la date de naissance du lecteur, son prénom, son sexe, la couleur de sa peau et ses parents. Au total, Aurélie et Olivier ont travaillé sur 16 petits héros différents et sur 32 parents. Une famille homoparentale composée de papas asiatiques aura donc droit à deux personnages bien distincts.
Quand la jeune maman parle de Squiddykid, on sent bien que pour elle il y a urgence. Elle explique ainsi : "Je me suis rendue compte qu'on ne remarque même plus tout ce qui est fait pour la norme en termes de supports et du peu de choses – qui sont en plus parfois clichés ou mal faites – qui sont faites pour les gens différents. Et quand je dis différents ce sont en plus souvent des gens qui devraient entrer dans la norme. Par exemple, un petit enfant qui est noir, il n'y a pas de bouquins pour lui ou très peu. Quand il y en a, ce sont des trucs super clichés, faut voir ce qu'on trouve ! Et même du côté des filles ça coince. Quand on regarde au rayon littérature jeunesse, toutes les aventures cool sont pour les garçons".
Avec Squiddykid, Aurélie Crop et ses deux associés n'insufflent pas seulement un vent de fraîcheur dans la littérature jeunesse, ils en profitent également pour aider les auteurs-illustrateurs. Car à terme, l'objectif n'est pas seulement d'éditer des ouvrages originaux, c'est aussi de rééditer des livres qui sont épuisés. Car lorsqu'un éditeur choisit de faire passer pour de bon un bouquin à la trappe, l'auteur- illustrateur récupère ses droits. En choisissant de travailler avec Squiddykid, ce dernier aurait donc la possibilité de donner une nouvelle vie à son travail avec une seule obligation toute fois : accepter de modifier certains de ses personnages pour rester dans le côté personnalisable.
Mais l'entrepreneuse le promet : avec elle, pas d'entourloupe. Les auteurs-illustrateurs toucheront un plus gros pourcentage et pourront partir quand ils le souhaitent. Et puis, comme elle le dit elle-même, "l'idée n'est pas non plus de dénaturer complètement le livre". Elle raconte ainsi : "J'ai contacté une auteure qui avait écrit plein de petits livres sur des princesses cool et rebelles. Dans ce cas-là, on voudrait décliner l'héroïne en plusieurs ethnies et ne pas toucher à son sexe. Tout dépendra de la complexité de l'histoire".
Des livres qui mettent en avant la diversité et de belles histoires, des auteurs-illustrateurs choyés... et pas de gaspillage. Pour partir à l'impression, chaque ouvrage aura dû être commandé et payé. En plus ? Il sera imprimé en France et disponible dans notre langue et en anglais. Car à terme, Squiddykid espère bien s'implanter aux Etats-Unis, un pays "où les livres jeunesse sont très formatés avec des héros blancs, des modèles de familles classiques et des happy ending à tous les coups".
En attendant, le premier livre made in Squiddykid pourra être commandé à partir de fin février pour une livraison dans les semaines qui suivent. D'ici fin 2016, Aurélie, Olivier et Sébastien espèrent avoir agrandi leur catalogue avec une autre création originale et 6 ou 7 livres réédités. "J'aime bien penser qu'on sera un peu comme le Netflix de l'édition jeunesse", conclut l'entrepreneuse. C'est tout ce qu'on souhaite à Squiddykid, une start-up à suivre définitivement de près.
Pssst ! Squiddykid est en compétition pour remporter le premier prix de la Fabrique Aviva. A la clé ? 50 000 euros et des projets concrétisés encore plus vite. Allez hop, vous avez jusqu'au 19 février pour voter.