Si 19 départements étaient déjà confinés depuis deux semaines, l'Ile-de-France incluse, l'annonce d'Emmanuel Macron du mercredi 31 mars a changé la donne pour tout le territoire sur un point clé : la fermeture nationale des crèches, des écoles, des collèges et des lycées.
Dès le mardi 5 avril, plus de cours, plus de garde, mais une semaine de suivi à domicile pour les scolaires, puis deux semaines de vacances avant de reprendre les classes en présentiel à la rentrée. La décision devrait freiner la propagation d'un virus qui, un an après les premières restrictions sanitaires, est toujours difficilement contrôlable. Et surtout, permettre à la population d'enfin voir arriver ce "bout du tunnel" promis depuis des mois. Soulagement ? Pas pour tout le monde.
Pour les parents par exemple, et on est nombreux·ses, c'est le bordel. D'autant que la confusion règne aussi du côté des assistantes maternelles. Après une expérience de deux mois, au printemps 2020, à cumuler boulot, devoirs, ménages, activités, caprices dans des maisons pas toujours assez spacieuses pour que tout le monde y cohabitent h24 - et ce en essayant au maximum de ne pas succomber à une crise de nerfs latente, la perspective de rempiler pour trois semaines a de quoi faire frémir. Et bouillir.
Heureusement, en réponse à ce vent d'inquiétude et d'angoisse compréhensible, il y a les précieux conseils de Bruno Questel. Eh oui, interrogé par Maxime Switek sur BFMT TV ce 1er avril sur les conditions à remplir pour qu'un des parents puisse prétendre au chômage partiel (avoir un ou des enfants de moins de 16 ans et que le télétravail soit incompatible avec sa profession), le député LREM de l'Eure a apporté à cet apparent dilemme une solution simple. Mieux encore, il suggère aux journalistes perplexes qu'il ne voit pas vraiment où se situe le problème.
Afin d'éclaircir sa pensée, il y va de sa recommandation en matière d'éducation, prenant pour exemple sa propre façon de faire. "Enfin, si vous dites à votre enfant, moi je l'ai fait comme parent, 'fais ton devoir, tu regardes ça, je suis à côté de toi, je télétravaille, tu m'interroges si ça va pas', et ceci et cela... Je sais pas si vous avez des enfants...".
En direct, on s'étonne. "Mais quel âge ont vos enfants ?!", interroge la chroniqueuse Géraldine Woessner. "Sans doute un peu plus âgé que les vôtres", répond Bruno Questel. L'élu précise pour se défendre qu'il a déjà gardé les siens malades en continuant son activité. Ce qui n'a, réplique la journaliste, absolument rien à voir.
La stupéfaction s'installe sur le plateau, et nous gagne rapidement.
Car mettons les choses au clair. Si s'occuper de ses enfants quand on ne travaille pas est déjà épuisant, s'occuper de ses enfants en même temps qu'on travaille à plein temps depuis le salon est, a minima, un parcours semé d'embuches et de désespoir qui donne envie de balancer des meubles par la fenêtre. S'ajoute à cela l'enseignement à domicile, une autre idée de l'enfer quand on a posé sa dernière division à deux chiffres il y a 30 ans. Difficile donc de ne pas fulminer quand on entend nos représentants balayer la situation d'un revers de main.
Toutefois, pour ne pas tomber, nous non plus, dans le piège d'une généralisation arbitraire, on le reconnaît volontiers : les comportements varient en fonction de l'âge et du caractère. Il y a bien sûr des gosses qui s'occupent seul·e·s, apprennent seul·e·s, font à bouffer seul·e·s, rangent leurs jouets seul·e·s et récurent même le frigo une semaine sur deux sans qu'on leur demande. Les miracles existent, on n'en doute pas, et ça nous fout les boules.
Mais faites le tour des chaumières blindées pour voir si c'est la norme, et on en reparle après. Pire, faites le tour des appartements sans extérieur où vivent les familles monoparentales pour prendre un peu le pouls de la réalité.
A ce sujet, la députée France insoumise Clémentine Autain a qualifié l'intervention de l'élu de "complètement lunaire", mentionnant un "déni" couplé de "mépris pour tous les parents, toutes les familles monoparentales." Même indignation chez l'écologiste Sergio Coronado, qui plaisante amèrement : "Je propose un numéro vert à destination des parents qui sont en télétravail et se montrent incapables de faire en même temps le suivi scolaire des enfants. Bruno Questel pourrait répondre aux questions de ces mauvais parents qui se noient dans un verre d'eau". Peut-être tient-on une piste ?
Devant l'ampleur de la polémique suscitée par ses propos hors-sol, la ministre du Travail Elisabeth Borne est venu au secours du député, et a confirmé : "un salarié en télétravail peut demander à être placé en activité partielle si la garde de son ou ses enfants l'empêche de poursuivre son activité normalement." Ouf.
Dommage, cependant, qu'il ait fallu un tel tollé pour faire prendre conscience aux plus hautes sphères de l'Etat que non, on ne jongle pas entre boulot et enfants aussi facilement qu'on sort des énormités à la télé.