Dans Tu t'appelais Maria Schneider, la journaliste du journal Le Monde Vanessa Schneider raconte dans ce livre le destin brisé de sa cousine, l'actrice Maria Schneider. Elle débute l'ouvrage avec le récit de son enterrement, où se presse le tout Paris, dont l'acteur Alain Delon, son parrain de cinéma, qui s'assied sur le banc de la famille.
Maria et Vanessa Schneider sont issues d'une famille tourmentée et décousue, loin des codes sociaux de l'époque. Maria n'est pas aimée par sa mère qui la met à la porte quand elle a 15 ans. Elle atterrit dans la famille de son demi-frère Michel, le père de Vanessa Schneider. Cette dernière n'est pas encore née. Les deux femmes ont 17 ans d'écart.
Maria restera peu dans cet appartement, mais n'aura de cesse de revenir au fil de ses déboires. Dès lors, Vanessa Schneider retrace les souvenirs qui la lient à cette cousine célèbre. Elle conserve chaque coupure de presse qui la concerne, précieusement dans une chemise rouge, qu'elle gardera des années chez ses parents.
Jeune première dans les années 1970, Maria Schneider explose au cinéma en 1972, à l'âge de 19 ans, avec un film qui va bouleverser sa vie : Un dernier Tango à Paris.
On lui rappellera sans cesse ce film qui a choqué la morale de l'époque notamment à cause d'une scène où Maria Schneider se fait violer et sodomiser avec une motte de beurre, par son compagnon de tournage Marlon Brando. L'acteur a 28 ans de plus qu'elle. Le réalisateur, lui, a demandé de ne pas la prévenir. Bertolucci ne pense qu'à son film et sa propre postérité.
Maria Schneider n'arrivera jamais à s'émanciper de ce film, mais aussi de ce type de rôle de femme-objet, constamment dénudée. Ce viol projeté à l'écran est aussi une fêlure de plus dans sa vie.
L'actrice fait beaucoup la fête, notamment avec son père Daniel Gélin, également acteur. Absent pendant toute son enfance, son père réapparaît dans la vie de Maria Schneider alors qu'elle a 16 ans. La jeune femme sombre peu à peu dans la consommation d'héroïne et devient ingérable sur les plateaux de cinéma. Les propositions de tournage commencent à se faire plus rares.
À l'époque, Maria Schneider donne du grain à moudre à tous ceux et toutes celles qui avait prédit la décadence morale qui suivrait mai 1968. Elle est pour eux et elles l'exemple de l'échec de la libération sexuelle et morale. Et pour cause.
Tu t'appelais Maria Schneider est un des livres les plus attendus de la rentrée. Il raconte avec brio comment une femme peut être anéantie par un système de pouvoir qui mène à la dépréciation totale des femmes.
Maria Schneider a été utilisée par Bertolucci qui a plus tard reconnu que la scène du Tango avait pu être un viol. Maria Schneider a été usée par tant d'autres cinéastes qui ne l'ont employée que pour son corps mais pas pour elle.
Vanessa Schneider puise dans ses souvenirs pour raconter sa Maria Schneider, celle qui ne fait pas les choux gras des magazines en papier glacé. Les derniers moments de l'actrice et son enterrement sont le fil du livre d'où part la journaliste pour faire de nombreux retours en arrières dans la vie de sa cousine. On remonte alors ensemble avec elle, toute les pièces du puzzle qui ont fait de la vie de Maria Schneider celle d'une comète.
Depuis ses débuts de cinéma, Maria Schneider sera protégée par l'icône Brigitte Bardot, elle qui aura aussi été adulée par le public pour son corps. Vanessa Schneider résume ce mal-être en une phrase décrivant l'amitié qui liait sa cousine à Brigitte Bardot : "Vous aviez souffert des même maux, une image de sex-symbol trop lourde à porter, de femme-objet, d'actrice dont personne ne questionne le talent, victime de la domination masculine."
Le livre démontre aussi comment certaines femmes peuvent être invisibilisées par ce qui leur est imposé par les hommes. Ici, on imposera à Maria Schneider de rester dans la postérité pour un film qui l'a brisée. L'autrice regrette par exemple qu'au moment de sa mort, Libération, journal nécrologue aux unes spectaculaires, ait choisi de mettre une photo de l'actrice seins nus pour illustrer le titre : "Maria Schneider, une dernière danse". Maria Schneider passera à la postérité par ce qui a contribué à détruire sa vie.
Pourtant, ce livre de sa cousine l'a réhabilite et la rhabille. Il déconstruit cette légende de mauvaise fille qui a longtemps alimenté les colonnes des magazines people.
Vous aimez les livres féministes qui nous explosent à la figure, qui décrivent les faits bruts qui dérangent, mais avec élégance et pudeur. Si vous aimez que la vérité soit rétablie. Si par un exemple concret, vous voulez comprendre comment la domination masculine peut détruire une femme.
Tu t'appelais Maria Schneider, de Vanessa Schneider, Éditions Grasset, 19,00€