Les changements ne viennent pas toujours spontanément. Parfois il faut que des journalistes mettent en lumière un problème pour qu'une entreprise change ses pratiques. Là, c'est Uber qui a décidé de modifier ses règles d'utilisation après la diffusion d'un reportage de CNN fin avril révélant qu'au cours des quatre dernières années, 103 chauffeurs employés par l'application de VTC avaient été accusés d'agressions ou de viols aux États-Unis.
CNN rapporte des témoignages de femmes dont les plaintes n'ont pas toujours abouties. Mais au moins 31 chauffeurs ont été jugés pour des crimes allant des attouchements à l'enfermement dans la voiture via le verrouillage central, au viol. Une douzaine de cas supplémentaires seraient en cours de jugement.
Ce qui choque, ce sont surtout deux dispositions des conditions d'utilisations d'Uber aux États-Unis. Si les victimes présumées pouvaient se retourner contre leurs agresseurs, une clause de l'application stipulait que seul le règlement à l'amiable entre les victimes présumées et l'entreprise était possible. Elles ne pouvaient donc pas se retourner contre Uber pour avoir failli à leur sécurité devant des tribunaux. Une autre disposition obligatoire à la fin de chaque règlement empêchait également les victimes de parler ouvertement de leur affaire. Par ce moyen, Uber a réussi à camoufler des dizaines de cas et ainsi à préserver, temporairement, l'image de l'entreprise et sa promesse de voiturer ses clients en sécurité.
Mais l'affaire revient en pleine figure d'Uber. Grâce à l'enquête de CNN, les conditions d'utilisations de la marque ne spécifieront plus que ses clients ne peuvent pas l'attaquer si une plainte est déposée contre le chauffeur. L'entreprise s'engage aussi à ne plus demander de clause de confidentialité en cas de règlement à l'amiable. Elle fait un virage à 180 degrés sur sa politique.
Tony West, le directeur juridique d'Uber, a déclaré à CNN : "Nous pensons qu'il est très très important de permettre les victimes d'agressions et de harcèlements sexuels le contrôle et le pouvoir d'agir, qui leur étaient, pour être franc, arrachés dans ces incidents". Dans un communiqué publié sur le site du groupe, il écrit : "Uber n'est pas immunisé contre ce problème profondément enraciné et nous pensons que c'est à nous d'être une grande part de la solution".
Dans un tweet, le patron d'Uber Dara Khosrowshahi, écrit : "Nous avons fait un grand pas en avant concernant notre engagement pour la sécurité et la transparence aujourd'hui. Cela fera de nous une meilleure entreprise."
L'entreprise américaine, qui réalise quinze millions de voyages chaque jour dans 630 villes dans le monde, s'engage également à publier un rapport transparent sur la sécurité avec les chiffres des incidents. Elle met également en place un bouton pour appeler les secours directement depuis l'application. Celui-ci donnerait immédiatement la localisation de la voiture à la police. Uber promet aussi de vérifier les antécédents des chauffeurs et des chauffeuses tous les ans. L'entreprise va embaucher des spécialistes de la lutte contre les violences sexuelles pour la conseiller.
Ce n'est pas la première fois qu'Uber est épinglé par ce type d'enquête. En 2016, sous la pression d'une enquête de Buzzfeed, l'entreprise avait reconnu avoir enregistré entre 2012 et 2015 aux États-Unis au moins cinq plaintes pour viols et 170 pour agressions sexuelles.
Le directeur juridique Tony West parle de "regagner le respect des clients qui a été perdu à cause d'actions et d'attitudes passées". En effet Uber a déjà mauvaise réputation après les révélations d'une ancienne ingénieur, Susan Fowler concernant le dysfonctionnement de la réponse au harcèlement sexuel chez Uber. Son patron et fondateur Travis Kalanick déjà très critiqué pour sa gestion avait démissionné pour être remplacé par Dara Khosrowshahi.