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Une prof en grève de la faim : je veux dénoncer le « massacre de l'école »
Publié le 27 avril 2012 à 17:55
Par Marine Deffrennes
Isabelle Capmas-Faure a 41 ans, quatre enfants, et entame sa 4e semaine de grève de la faim. Suite à la fermeture d'une classe et la suppression de deux postes au sein de l'école maternelle Jean Rostand qu'elle dirige à Montignac (Dordogne), elle a épuisé tous les recours et choisi finalement de se mettre en danger « pour ses élèves ». Elle s'explique.
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Terrafemina : Vous êtes en grève de la faim depuis trois semaines. Pourquoi ce recours extrême, n’y avait-il aucun autre moyen de vous faire entendre autrement ?

Isabelle Capmas-Faure : Je n’ai pas décidé cela sur un coup de tête, c’est une décision longuement réfléchie. Notre école en est arrivée à des fonctionnements aberrants. Depuis un arrêté du 22 mars, nous savons que l’une de nos 4 classes va disparaître, parce qu’il faut « rendre » des postes pour qu’ils soient récupérés pour d’autres écoles en Dordogne, précisément 40 postes doivent être « rendus » cette année. Or, nous savons que nous aurons 90 élèves l’année prochaine au lieu de 80, ce qui va nous donner des classes de plus de 30 élèves. J’ajoute surtout qu’avec cette fermeture de classe, notre école ferme la porte à beaucoup d’enfants de 2 ans. En 2000, 34,5 % de cette classe d’âge était scolarisée, en 2011 ils n’étaient que 12,6%. Un poste d'aide administrative à temps plein a été supprimé, ainsi qu'un poste Rased (Réseau d’aide spécialisée pour les enfants en difficulté). Il s'agissait d'un maître « hors la classe » qui prenait les élèves par groupes de deux ou trois pour des heures de soutien. Pour contrer ces décisions injustes, nos actions collectives, la mobilisation des parents et des élus locaux n’y ont rien fait.

Tf. : Certains professeurs d’Ile-de-France avanceront le fait qu’ils sont eux-mêmes en charge de classes de 30 élèves, et qu’ils font leur travail tout de même…

I. C. –F. : J’ai été formée et j’ai longtemps travaillé en région parisienne, dans des classes difficiles et surchargées. Si la réponse est de dire qu’en effet l’état de l’école se dégrade, et que ce n’est pas grave, je ne suis pas d’accord. Dans une classe d’une vingtaine d’élèves, j’ai du temps pour dépister les difficultés de chacun, et du temps pour donner plus d’activités aux enfants qui avancent plus vite que les autres. Avec 30 élèves, l’enseignement est gommé, plat. Nous devons renoncer à nos activités de « décloisonnement », cela consiste à échanger des groupes d’élèves en fonction des compétences particulières de chaque enseignant, l’un en sciences, l’autre en langues, etc. Avec autant d’élèves ce n’est plus possible, on appauvrit considérablement la qualité de l’enseignement, et je sais que mon travail est de moins bonne qualité, c’est insupportable.

Tf. : En plein cœur de la campagne présidentielle, qu’attendez-vous des candidats ? Les avez-vous sollicités ?

I. C. –F. : Je ne tiens pas à politiser ma démarche, je défends mon école et mes élèves. Ma volonté c’est de déranger, et d’être un petit caillou dans la chaussure. Je sais que j’enfonce des portes ouvertes en dénonçant la situation de l’école et les suppressions de postes, on ne peut pas décemment imposer autant d’économies dans le domaine de l’éducation, surtout quand ces économies ne sont pas évidentes. Je veux dénoncer le massacre de l’école, et pas seulement en Dordogne. D’autres départements comme la Corrèze sont laminés. En mon âme et conscience d’enseignante je ne peux pas être d’accord avec ce qu’il se passe. Je sais que ce genre de mauvaise pub ne plaît pas à ma hiérarchie, en tant que fonctionnaire je suis tenue au « devoir de réserve », mais je suis déterminée.

Tf. : Comment évolue votre état de santé, et jusqu’où êtes-vous prête à aller ?

I. C. –F. : J’ai perdu 7 kilos, je suis très fatiguée et peu performante dans mon travail. Mais je garde un bon moral. Je ne pensais pas que je serais médiatisée au niveau national, cela me redonne courage et espoir. Je reçois beaucoup de mails de soutiens de parents et de professeurs de toute la France, le Conseil général m’appuie. Pour la suite, j’écouterai les conseils de mon médecin…

Crédit photo : Hemera

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