Un Grenelle contre les violences conjugales organisé à Matignon, en compagnie de plusieurs associations, afin de "mobiliser la société toute entière", des pouvoirs publics aux professionnels de la justice. La mesure annoncée ce 7 juillet par la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa pour faire face aux féminicides en a laissé plus d'un.e. circonspect.e. "Les femmes n'ont pas besoin d'une énième campagne de communication. Elles ont besoin d'être protégées", cingle la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert. Sur les réseaux sociaux, nombreuses sont les militantes féministes à fustiger le fait que le Grenelle n'ait lieu qu'à la rentrée prochaine. "Une 75e femme est morte assassinée. Les violences ne prennent pas de vacances", décoche Caroline de Haas, instigatrice du mouvement #NousToutes.
"S'il y avait une solution miracle contre les violences conjugales, les gouvernements précédents l'aurait mise en oeuvre depuis longtemps. Ce n'est pas le cas", a réagi Marlène Schiappa.
Ah oui ? Pourtant, les alternatives existent bel et bien, et ce depuis plusieurs années. La preuve avec l'Espagne, volontiers citée en contre-exemple des récentes initiatives nationales. On vous explique pourquoi.
Comment l'Espagne fait-elle pour lutter contre les féminicides ? En formant les professionnels aux violences faites aux femmes, d'abord, qu'ils soient policiers, juges ou personnels soignants. De quoi éviter les instants d'incompréhension au commissariat par exemple, qui ne font qu'exacerber le malaise des victimes et l'impunité de leurs agresseurs. Et par-là même, assurer autant que faire se peut qu'une plainte ne soit pas refusée. Au contraire, les policiers sont tenus d'assurer au plus vite sa déposition.
Ensuite, il y a la considération judiciaire des victimes, qui diffère assez de notre système actuel. Ce sont effectivement des tribunaux spécifiques qui prennent en charge les cas de violences conjugales. Le procès a lieu dans les quinze jours qui suivent l'instruction du dossier, et les peines prévues à l'encontre des agresseurs sont plus fortes qu'en France. Les victimes, elles, bénéficient de soutien judiciaire et d'une aide sociale pour l'accès au logement. Quant aux agresseurs, soumis à une surveillance policière, on leur impose le port du bracelet électronique.
Depuis 2004, ces mesures mises en place par le chef du gouvernement socialiste José Luis Zapatero tendent à valoriser la voix des femmes au sein d'une société au passé pour le moins patriarcal. Depuis la chute de la dictature franquiste il y a quarante ans de cela, le pays se démarque effectivement par la vitalité de ces militances féministes. Lorsqu'elles investissent l'espace public, ces paroles indignées se confrontent volontiers aux offensives du parti d'extrême droite Vox. Mais elles ne dépareillent pas dans un pays où les actes semblent toujours suivre les mots. La preuve ? Ce n'est pas moins d'un milliard d'euros annuel qui est consacré à la protection des femmes battues. Ce budget, l'Etat français préfère l'investir dans le Service National Universel. Pas de chance...
"Avec une véritable volonté politique et un budget double à celui de la France, l'Espagne a réduit de 38% les féminicides au cours des dix dernières années" achève en ce sens un communiqué officiel de la Fondation des Femmes.
C'est cette prise en considération concrète des crimes machistes qui incite plus de femmes à témoigner. En 2017, elles étaient près de 160 000 à le faire, comme le détaille LCI. Et si, comme nous le rappelle 20 Minutes, ces mesures se voient limitées aux stricts cas de "violences exercées par le partenaire ou ex-partenaire" (excluant par-là même d'autres situations d'agressions ou de féminicides), cet arsenal législatif permet avant tout, comme l'explique le chercheur Jean-Jacques Kourliandsky, de garantir à ces drames une résonance cinglante en leur conférant "une dimension sociale collective". A quand une telle démarche de sensibilisation massive en France ?