C'est un ouvrage majeur qui va paraître ce 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes : la somme livresque d'une enquête ambitieuse, "Violences et rapports de genre", réalisée en 2015 par l'Institut national d'études démographiques (Ined) auprès d'un échantillon de plus de 27 000 Français·e·s, femmes et hommes. Une étude qui nous rappelle à quel point le phénomène des violences faites aux femmes est global et concerne toutes les strates de notre société.
"L'ensemble des résultats met en évidence le continuum des violences, multiformes, sexistes et sexuelles, pour les femmes tout au long de la vie", comme le note le rapport.
L'exposition aux violences, bien souvent affaire de rapports de domination, est effectivement systémique, puisqu'elle concerne la famille et le couple, mais aussi l'entreprise et les espaces publics. Et selon le genre, les chiffres varient fortement.
Ainsi, les femmes subissent plus fréquemment que les hommes des violences dans les espaces publics, à raison d'une femme sur quatre victime (25%) contre un homme sur sept environ (14 %).
"Les hommes sont concernés principalement par des insultes, ensuite par des violences physiques, pouvant être cumulées à des insultes ou au fait d'être suivi. Pour les femmes, être interpellée sous le prétexte de drague, une ou plusieurs fois, cumulé à d'autres faits est la situation la plus courante. Le harcèlement et les atteintes sexuels (embrassée de force, attouchements des seins ou des fesses, quelqu'un s'est frotté contre elle) sont la deuxième grande catégorie d'actes à l'encontre des femmes, concernant 5 % d'entre elles", souligne l'enquête.
En entreprise également, 20 % des femmes interrogées déclarent avoir subi au moins un fait de violence dans les 12 derniers mois, contre 15,5 % des hommes. Au sein du couple enfin, les déclarations accablantes ne manquent pas non plus, puisqu'une femme sur vingt a déclaré subir des atteintes psychologiques répétées (à savoir, presque toutes les semaines ou tous les jours), et une femme sur cent des atteintes physiques répétées.
Quant aux violences au sein du couple, entre 3 et 4 % des femmes ont déclaré avoir été injuriées dans les deux enquêtes, 1 à 2 % ont été victimes de violences physiques. Elles déclarent tous types de violences graves et/ou répétées, qu'elles soient psychologiques (une femme sur vingt), physiques (une femme sur cent, soit 1 %) ou sexuelles (une femme sur 1000 soit 0,1 %). Les violences vécues par les femmes sont donc multiformes.
"L'expérience féminine des violences est caractérisée par plus de répétition, de faits cumulés à d'autres au cours de l'année, de faits jugés graves, et d'auteurs qui sont quasi exclusivement des hommes", affirme à ce titre le rapport conséquent de l'Ined.
Une "expérience" qui concerne toutes les femmes. Près d'1 femme sur 5, toutes générations confondues, aurait déjà subi des violences sexuelles au sein de leur entourage familial, contre 1 homme sur 8. Quel que soit leur âge, les femmes sont une nouvelle fois surexposées par rapport aux hommes. Une femme sur 25 déclare ainsi avoir déjà subi des attouchements des seins, des fesses ou encore des "baisers forcés", contre 0,4 % des hommes.
Globalement, les violences sexuelles surviennent tout au long de la vie pour les femmes, note le rapport. "Une femme sur sept (14,5 %) et un homme sur vingt-cinq (4 %) déclarent avoir vécu au moins une forme d'agression sexuelle au cours de leur vie, c'est-à-dire des attouchements, baisers forcés, avoir été frotté, collé. Quant aux viols et tentatives de viols ils concernent 4% des femmes et moins de 1% des hommes".
Les violences interpersonnelles étudiées, c'est-à-dire l'ensemble "d'actes, de gestes, de paroles visant à imposer sa volonté à l'autre, le dominer en l'humiliant, en le dévalorisant, en le harcelant jusqu'à sa capitulation et sa soumission", prennent donc plusieurs formes. Et leurs incidences sur la vie des femmes sont tout aussi multiples. Confrontées à des violences tout au long de la vie, celles-ci voient leur santé mentale affectée par ces expériences vécues : toutes ces agressions exacerbent les risques de dépression et de pensées suicidaires.
Selon l'Ined, ces violences détériorent également leur santé physique, plus encore qu'elles n'aggravent celle des hommes. Les femmes ayant été confrontées à des violences sexuelles intrafamiliales seraient par exemple en moins bonne santé que les hommes ayant connu de tels faits au sein de ces espaces. Mais les femmes ne développent pas davantage de pathologies face aux violences à proprement parler : elles y sont "davantage confrontées tout au long de leur vie", comme nous l'explique le rapport.
La surexposition est un facteur primordial pour comprendre tous ces chiffres vertigineux. Une surexposition systémique qui engendre chez les victimes plus de tristesse et de colère, mais aussi de peur, sentiment que les femmes associent d'ailleurs davantage aux violences que les hommes. Ces phénomènes touchent donc toutes les sphères de notre société. Et il y a encore beaucoup à dire, d'autant plus qu'une majorité des situations évoquées par cette longue enquête "échappe encore à la sphère pénale", nous dit-on. Affaire à suivre donc.