Lorsqu'on parle de réussite, on a généralement en tête l'image d'une personne à qui tout sourit et qui, elle-même, sourit à la vie. Et d'ailleurs, on va même maintenant jusqu'à embaucher des experts en bonheur dans les entreprises. L'idée qu'une personne voyant toujours le verre à moitié vide puisse réussir peine à se dessiner dans l'imaginaire collectif. Les grincheux seraient considérés comme des personnes démotivées voire démotivantes, ne croyant en rien sinon à l'échec.
Pourtant, selon une étude du chercheur hollandais Matthijs Baase relayée récemment par le site de la BBC, les pessimistes auraient en fait toutes les clés réussir dans la vie.
Pour arriver à cette conclusion, Matthijs Bass a entrepris une grande expérience avec des étudiants, en 2009. Dans un premier temps, il a demandé à la moitié des universitaires de se rappeler quelque chose qui les avait énervé et d'en rendre compte par écrit. L'autre partie du groupe devait, quant à elle, se remémorer un moment triste. En gardant les deux groupes ainsi constitués, le chercheur leur a ensuite demandé de résoudre un problème, en énonçant différents solutions. Résultat : les personnes fâchées ont fourni plus d'idées que les autres.
En s'attendant au pire, les pessimistes et autres grincheux vont alors transformer leur angoisse en énergie, pour accéder à la réussite. C'est ce que l'on appelle le "pessimisme défensif". Un état d'esprit qui semble prendre comme point de départ l'une des célèbres traductions de la loi de Murphy : "Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal". Partant de ce constat, ces personnes auront tendance à se préparer à toute éventualité - généralement les plus catastrophiques - et cela même si elles ont réussi la même tâche dans le passé.
Par exemple, à l'approche d'une présentation orale, une personne pessimiste aura tendance à imaginer un ensemble de scénarios catastrophes, alors même qu'elle maîtrise à la perfection son sujet. Elle va par exemple se demander que faire si jamais elle trébuche devant son auditoire, si elle oublie ses notes, si elle arrive en retard, si jamais personne n'est d'accord avec ses propos ou encore si elle peine à convaincre. Bref, autant de "si" auxquels elle a déjà réfléchis et même auxquels elle a sans doute déjà trouvé une solution.
A contrario, à force de ne voir que le côté positif, les optimistes auront l'impression que tout est déjà gagné, avant même d'avoir entrepris quoi que soit. Conséquence : à trop être dépendant de ce qu'ils connaissent déjà ou ont déjà vécu, ces personnes vont avoir une vision biaisée de la réalité et ne manifester aucune méfiance ou doute, explique Joseph Forgas, un autre chercheur ayant étudié la manière dont les émotions affectent notre comportement. "Le bonheur nous pousse à croire que l'on est en sécurité. Il n'est donc pas nécessaire de prêter attention au monde qui nous entoure", poursuit-il.
Et pour en revenir à la recherche de Matthijs Bass, ses conclusions vont encore plus loin. Alors que la colère - résultat de notre pessimisme donc - nous permet d'agir plus rapidement, elle serait également source de créativité et de motivation. Et pour preuve, si les étudiants pessimistes avaient émis davantage d'idées que les autres, celles-ci étaient également plus originales. "La colère prépare le corps à mobiliser toutes ses ressources. Elle nous indique que notre situation actuelle est mauvaise et nous pousse à agir", explique Matthijs Baas.
Une tendance qui se confirme en regardant le monde qui nous entoure et les personnes qui réussissent. Jeff Bezos, le PDG d'Amazon, en est le parfait exemple. S'il est connu pour ses fréquents sautes d'humeur (il aurait dit à ses employés des phrases comme "Êtes-vous paresseux ou juste incompétents ?" ou encore : "Si j'entends à nouveau cette idée, je me suicide"), ce n'est pas ce qu'il a empêché de bâtir un véritable empire.
Finalement, il est grand temps de réhabiliter les pessimistes et les grognons de l'open-space. Alors, anxieux en tout genre, réjouissez-vous : votre mauvais caractère est une force !