Ne pas être fan de Marilyn Monroe n'empêche pas les gens d'avoir l'impression de tout connaître sur la star. Souvent, on évoque sa féminité exacerbée, sa relation controversée avec JFK, ses mariages ratés ou encore son addiction aux barbituriques qui la précipita six pieds sous terre. Mais se plonger véritablement dans la vie de l'icône, c'est se rendre compte qu'elle était loin d'être aussi superficielle qu'elle voulait bien laisser le paraître. Sous ses visons et ses robes ajustées, Marilyn Monroe était une femme complexe, bourrée de failles, extrêmement généreuse et talentueuse, une éternelle amoureuse, entourée mais rongée par la solitude. Cette personnalité compliquée, nombre de fans, d'écrivains et même de proches de la star ont essayé de la cerner. Il existe ainsi un nombre incalculable de livres consacrés à Marilyn Monroe. Certains ont apporté un éclairage nouveau sur sa vie, d'autres ont offensé ceux qui la connaissaient et ses admirateurs les plus fidèles. Marilyn 1962 se range heureusement dans la première catégorie.
Dans ce récit de quelques 200 pages, Sébastien Cauchon dresse le portrait de douze personnages qui formaient ensemble mais séparément la garde rapprochée de Marilyn en 1962, soit l'année de son décès. Directeur de la communication d'UniFrance, l'homme est tombé sous le charme de la star alors qu'il n'avait que 12 ans. A l'origine de cette passion ? Une photo, même pas un film. Depuis, Sébastien Cauchon a vu et revu sa filmographie, il a signé des entretiens avec ceux qui l'ont photographié, il a étudié ses expressions, mais aussi ses habitudes, sa correspondance, est devenu expert ès Marilyn Monroe. Collectionneur qui refuse de se définir comme fan lorsque le magazine ELLE l'interroge, Sébastien Cauchon est en tout cas un spécialiste innovant. Dans son premier livre consacré à la blonde platine la plus célèbre de la planète, il balaye les fantasmes et décrit avec précision une Marilyn aux multiples facettes via les regards de ces douze proches triés sur le volet mais tous employés par l'actrice. Ralph, Paula, Alan, Eunice, Pat, Cherie... autant de noms que d'ombres.
"Longtemps, ils n'ont été que des noms récurrents croisés au fil des pages de biographies ou aperçus à la fin des crédits techniques des génériques de films. (...) Un petit peuple attentionné et rémunéré constituant 'l'entourage', comme il est convenu de désigner ceux qui gravitent autour des personnalités. (...) Que signifiait pour eux côtoyer la plus grande star d'Hollywood ?" Dans ce prologue, Sébastien Cauchon résume bien son objectif : lever le voile sur une partie inexplorée de la vie de celle qui le fascine et non tenter de comprendre son destin brisé comme beaucoup ont essayé avant lui.
Pas de Joe DiMaggio ou d'Arthur Miller dans le tableau, mais les intimes dévoués et parfois problématiques. Comme Paula Strasberg, épouse du fondateur de l'Actor's Studio et conseillère artistique de la star de Certains l'aiment chaud. Surnommée Le dragon, elle a joué les mères de substitution pour Marilyn, tout en veillant bien à s'imposer comme son seul repaire. A la fin de chaque prise, c'est vers elle que l'actrice se tournait, faisant ainsi s'enrager les réalisateurs. Une intime donc, mais aux prétentions financières excessives et qui empocha avec son époux 75% de la fortune de Marilyn à sa mort, celle-ci n'ayant pas eu le temps de modifier son testament. Tout aussi controversé, le psychanalyste Ralph Greenson tient une place de choix dans ce récit. Si Marilyn, dernières séances de Michel Schneider s'attachait à montrer l'attraction mutuelle et fusionnelle entre l'étoile et le médecin, Sébastien Cauchon montre un autre côté de la personnalité de l'homme. Fasciné par le cinéma et les paillettes, il s'est investi dans la vie personnelle mais aussi professionnelle de sa patiente. C'est Ralph Greenson qui l'a poussé à couper les ponts avec ses plus proches amis, lui aussi qui lui prescrivait des doses massives de barbituriques : "Plus Ralph Greenson s'impliquait dans les moindres détails de son existence, plus Marilyn semblait s'abandonner à lui".
Si des vautours ont gravité autour de Norma Jeane Baker, elle a heureusement pu compter sur quelques âmes bienveillantes. L'orpheline perpétuellement à la recherche d'une famille de substitution a pu confier ses états d'âme à May Reiss, sa secrétaire particulière et l'une des rares à ne l'avoir jamais trahie. C'est elle qui surveillait les dépenses de la star, triait ses scénarios et défendait ses intérêts. Autres complices, Pat Newcomb, l'attachée de presse et Alan, dit Whitney, le maquilleur. La première a vécu une amitié fusionnelle avec l'actrice. Elle s'occupait de tout, la protégeait contre les attaques. "Tu sais, c'est la première fois que j'ai une amie de mon âge", lui confia un jour Marilyn. Comme May Weiss, elle refusa toujours de commenter sa relation avec la star après son décès. Alan, lui, l'a accompagnée du début à la fin. C'est lui qui a façonné son visage, redessiné son célèbre grain de beauté. Pour elle, Alan a laissé passer moult contrats. "Il était le plus ancien et le plus fiable de ses proches collaborateurs et l'un des rares qu'elle appelait en dehors des tournages", précise l'auteur. Un jour, Marilyn lui avait fait promettre de s'occuper de son visage à sa mort, ce qu'il fit, s'armant "de courage et d'une bouteille de gin".
Extrêmement bien documenté, Marilyn 1962 ressuscite la plus grande star d'Hollywood mais s'attache surtout à nous décrire son quotidien. A force d'anecdotes et de petits détails, Sébastien Cauchon démontre à quel point Marilyn Monroe était intelligente et complexe. Entourée, elle n'hésitait pourtant pas à cloisonner ses amitiés, à utiliser ceux qui l'utilisaient aussi. Indubitablement seule, elle restait néanmoins vive d'esprit, généreuse et intransigeante. Peu avant sa mort prématurée, Pat Newcomb confia à son sujet : "Je crois qu'au fond, elle est très solide, plus forte que la plupart d'entre nous... et c'est quelque chose que l'on a tendance à facilement oublier parce qu'elle semble si vulnérable, tout le monde veut sans cesse la protéger".
Marilyn 1962, de Sébastien Cauchon, ed. Stock, 216 pages, 18 euros