La rentrée littéraire est déjà loin, mais pas question de se laisser encore happer par l'hiver. Pour repousser le froid, on se plonge dans la littérature et on s'offre un voyage autour du monde sans bouger de chez soi. Et si votre pile de livres à lire n'en finit plus, pas de panique, on a même établi une liste d'astuces pour lire plus.
De quoi ça parle : De lapins ! Roman immensément culte édité pour la première fois en 1972, Watership Down s'offre une toute nouvelle édition. L'histoire est celle de Hazel et Fyveer, deux jeunes lapins qui décident de fuir leur garenne. Sentant les hommes et la destruction approchés, ils s'enfuient avec une poignée de braves. Mais pour fonder leur propre garenne, les lapins vont devoir combattre beaucoup d'ennemis et apprendre à se jouer du danger. Malice, courage, loyauté, mais aussi intuition, pourraient bien les mener jusqu'à la terre promise, Watership Down.
Pourquoi on aime : Vénéré, vendu à plus de 50 millions d'exemplaires à travers le monde, le roman de Richard Adams n'a pas pris une ride. Les thèmes y sont nombreux mais s'entrecroisent à la perfection. A la fois épopée, fable mystique et environnementale et récit d'initiation, Watership Down peut également être vu comme un écho à notre société. Ainsi, au cours de leur périple, les lapins croiseront une garenne faussement idyllique, et une autre reposant sur un système totalitaire. Quant au groupe de lapins que nous suivons, ils rappellent forcément ces peuples forcés de fuir leur pays. Près de 45 ans après sa sortie, Watership Down reste donc un roman ultra-moderne, et une belle leçon d'héroïsme. Qui aurait cru à l'époque qu'une histoire de lapins ferait vibrer le monde entier ?
Ed. Monsieur Toussaint Louverture, 544 pages, 21,90€
De quoi ça parle : C'est l'histoire d'Alice, une femme rongée par un drame survenue il y a longtemps. Heureuse en mariage et mère de deux enfants, Alice décide alors de mettre tout ce petit monde dehors le temps de quelques jours. Elle a besoin de temps, besoin de coucher son histoire sur le papier, de s'en débarrasser. Agressée sexuellement lorsqu'elle était adolescente, Alice va se délivrer de la honte et de la culpabilité en se créant une nouvelle histoire, plus tendre, plus poétique, plus loufoque aussi.
Pourquoi on aime : Dans Chambre 2 (ed. Pocket) déjà, Julie Bonnie dressait le portrait d'une femme en souffrance, l'âme et le corps emmêlés entre passé et présent. Les héroïnes un peu cassées, un peu brinquebalantes, on peut donc dire qu'elle connaît. Alice, elle, est un peu cabossée. Elle souffre en dedans, à cacher ses émotions bien au fond d'elle. Voir sa fille grandir et s'épanouir va la ramener à sa propre adolescence, son propre drame personnel. Alors pour exorciser, Alice va écrire son histoire. Mais attention, si cette histoire est chargée d'émotion, elle est aussi drôle, traversée par des beaux moments de douceurs et d'excentricités que n'aurait pas renié Michel Gondry. En tissant un joli conte peuplé de personnages loufoques, Julie Bonnie réussit à raconter une histoire dérangeante. Un roman gracieux qui s'accorde parfaitement aux jolies illustrations de Robin Feix.
Ed. Grasset, 160 pages, 14,90€
De quoi ça parle : Dans ce récit autobiographique, Zarqa Nawaz raconte avec beaucoup d'humour et d'autodérision sa vie de musulmane pakistanaise installée au Canada. Arrivée là-bas avec toute sa famille à l'âge de 6 ans, elle va tenter d'outrepasser le choc culturel pour se créer sa propre identité. Mais bien évidement, les plans de Zarqa pour s'intégrer tout en respectant sa religion vont être souvent contrariés. Mésaventures scolaires, petits arrangements avec la religion, quiproquos en pagaille... en racontant son Canada à elle, Zarqa dresse par la même occasion un portrait plein de tendresse de sa famille.
Pourquoi on aime : Voici un drôle de récit initiatique. Pour trouver le juste milieu entre sa religion et sa culture, Zarqa Nawaz a pas mal galéré. Et ça, elle le raconte avec une bonne dose d'absurde, dédramatisant ainsi les pires situations dans lesquelles elle s'est retrouvée. Face aux préjugés des uns et au conservatisme religieux des autres, Zarqa Nawaz préfère la dérision et livre une autobiographie pleine de second degré mais aussi ludique et touchante. Lorsqu'elle se souvient qu'après les attentats du 11 septembre, elle a eu peur de voir son voisinage se retourner contre les siens, elle réussit à faire de cette situation un moment complètement loufoque. Mais elle le fait avec intelligence, nous pousse toujours à la réflexion. Mon petit bled au Canada n'est pas seulement drôle, c'est un ouvrage qui permet de mieux comprendre son prochain. Savoureux.
Ed. Denoël, 304 pages, 19,90€
De quoi ça parle : Saint-Thomas, une île des Caraïbes à la fin du XVIIIe siècle. Comme beaucoup d'autres familles juives, les Pomié ont fui l'Inquisition et se sont installés sur cette île minuscule gouvernée par le roi du Danemark. Rachel, fille unique des Pomié, grandit en rêvant de Paris. Singulière, sauvage, forte, elle n'a rien de la fillette dont rêvait sa mère. Mais son caractère bien trempé en fait dans le même temps la fierté de son père. Un mariage contre nature, c'est l'histoire d'une grande héroïne, d'une femme qui osa tenir tête à sa communauté par amour, et qui donna naissance à un certain Camille Pissaro...
Pourquoi on aime : Alice Hoffman est peu connue en France – peu éditée aussi – et c'est extrêmement dommage. Son oeuvre est une ode puissante à la féminité et nombre de ses romans sont teintés d'un joli réalisme magique (à lire : Les ensorceleuses, ed. J'ai Lu). Avec Un mariage contre nature, elle ajoute une corde à son arc : la biographie. Mais la biographie romancée. Et plutôt que de dresser le portrait de Camille Pissaro, le peintre par qui l'impressionnisme arriva, elle préfère nous conter sa mère. Sous sa plume, Rachel Pomié est plus qu'une femme coincée sur une petite île qui enfanta 7 fois, elle devient une puissante héroïne. Un peu sorcière, un brin féroce, elle est la reine mystique de Saint-Thomas. Un roman enivrant, comme les odeurs et les parfums doux et sucrés que nous décrit si bien Alice Hoffman.
Ed. Slatkine et Cie, 413 pages, 23€
De quoi ça parle : Jim Gystad est un producteur musical qui ne peut plus voir son métier en peinture. Il trouve la nouvelle scène ennuyeuse et formatée. Un jour qu'il participe au baptême du fils de son meilleur ami, Jim se retrouve bouleversé en entendant trois voix s'élever d'un banc derrière lui. Qui se cache derrière ce trio ? Juste les Thorsen, un frère et deux soeurs octogénaires qui ont connu un succès extraordinaire dans leur jeunesse avec leur musique chrétienne. Ni une ni deux, le producteur musical décide de tout faire pour leur faire enregistrer un nouvel album.
Pourquoi on aime : Si on vous dit roman nordique, vous pensez probablement thriller, abominables meurtres et flics désabusés. Mais les auteurs scandinaves savent aussi être très drôles. La preuve avec ce roman feel good mais pas gnangnan qui réussit à rendre la musique chrétienne attrayante et à faire d'un trio d'octogénaires les héros les plus attachants de cet automne. Si Jim Gystad raconte son histoire, c'est pourtant celle des Thorsen qui est au centre de ce roman. Et à mesure que le producteur va se rapprocher d'eux et passer outre leur carapace, il va plonger dans le passé, tomber nez à nez avec des secrets, et se rendre compte que ces vieux Pentecôtistes attendent juste de renaître de leurs cendres. Qu'on se le dise, on peut chanter comme un ange et trimbaler un déambulateur.
Ed. Presses de la Cité, 400 pages, 21,50€