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Vous vous trouvez hideuse en vidéo ? Vous souffrez peut-être de "Zoom dysmorphie"
Publié le 30 décembre 2020 à 17:53
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Depuis que les appels en visio font partie de notre quotidien, on doit gérer un détail non négligeable : le retour caméra. Un reflet virtuel qui fout toujours un coup à notre estime de soi, puisqu'on le trouve rarement avantageux. On appelle ça, la "Zoom dysmorphie".
Vous vous trouvez hideuse en vidéo ? Vous souffrez peut-être de "Zoom dysmorphie" Vous vous trouvez hideuse en vidéo ? Vous souffrez peut-être de "Zoom dysmorphie"© Adobe Stock
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Chaque fois qu'on répond à un appel vidéo, notre visage a beau être affiché en tout petit dans le coin supérieur droit de l'écran, rien n'y fait, on passe quand même la majeure partie de la conversation à se mater. Et pas vraiment pour admirer notre grande beauté. Cernes marqués, peau en vrac, rouge à lèvres qui déborde ou jure avec notre teint pas franchement éclatant, on a l'impression que la caméra fait toujours ressortir le pire de notre apparence. Et notre estime de soi en pâtit clairement.

Eh oui, les temps sont durs pour les Zoomers.

Cette dépréciation physique singulière est d'ailleurs devenue tellement commune - la faute à la situation actuelle qui a rendu les moyens de communication modernes encore plus populaires - qu'elle a été conceptualisée. Elle répond désormais au nom de "Zoom dysmorphie", en référence à la plateforme qui connaît un franc succès depuis le premier confinement, et à une façon de se voir tel·le qu'on ne l'est pas : horrible, donc.

On explique le phénomène, suivi de quelques conseils pour mieux s'accepter en ligne. Parce qu'il y a des façons d'arrêter de se faire du mal, bien heureusement.

L'avènement des filtres et de la comparaison

Pour comprendre d'où vient la "Zoom dysmorphie", il faut d'abord contextualiser et observer notre époque avec un regard critique. Certes, celle-ci a été la spectatrice de fabuleux événements tels que la deuxième victoire de la France à la Coupe du monde de foot masculine, l'élévation au rang de merveille culinaire du pâté en croute ou encore la naissance d'Harry Styles, mais elle est aussi le berceau de créations bien moins réjouissantes. Les ravages des réseaux sociaux sur nos esprits vulnérables, par exemple. Et à ce titre, plusieurs génération ont morflé.

"De nos jours, nous sommes exposés à des images 'perfectionnées' de manière beaucoup plus répandue en raison de la façon dont les gens utilisent la technologie au quotidien", explique en ce sens Hilary Weingarden, docteure en médecine spécialiste de la dysmorphie corporelle au Massachusetts General Hospital, dans une interview pour Vogue US. L'experte note également que, bien que né·e·s avec ces nouvelles technologies, ses adeptes ne savent plus discerner le vrai du faux. "Les gens sont probablement beaucoup moins susceptibles de comprendre que les photos qu'ils voient de leurs amis sur Instagram peuvent aussi être complètement irréalistes."

Elle lance d'ailleurs : "Mettre en concurrence votre apparence avec des images parfaites que vos pairs ont publiées résulte en une comparaison irréaliste, qui risque de provoquer un sentiment d'autocritique ou d'inadéquation". Sentiment qui se conjugue sur toutes les plateformes et applis qui nous renvoient notre image et celle des autres, et par conséquent, sur Zoom.

"Miroir, mon beau miroir"

Loin de trahir un penchant vaniteux, au contraire, le réflexe de s'observer sous toutes les coutures virtuelles n'en est pas moins addictif. Plus on se fixe, plus on se déplait, mais plus on a envie de se fixer quand même. Quitte à déconnecter totalement de la discussion qui nous a amené·e sur le site au départ. Narcisse qui aurait chopé une tonne de complexes, en gros.

Dre Weingarden évoque notamment des anecdotes de patient·e·s qui "se préoccupent de leur propre apparence pendant l'appel", voire se sentent obligé·e·s de la modifier spécifiquement pour l'occasion, "en changeant leur maquillage, leur éclairage ou l'angle de la caméra", et en deviennent distrait·e·s car obnubilé·e·s par leur visage et celui des autres. Un cercle vicieux contre lequel la praticienne met en garde.

"Se focaliser sur son physique pendant des périodes prolongées peut en fait fausser vos perceptions, de sorte que vous ne vous voyez plus vraiment clairement", prévient-elle. "C'est particulièrement vrai lorsque vous vous regardez de près, et que vous analysez un détail pendant un long moment, plutôt que de regarder votre réflexion de manière plus globale. Cette partie du corps qui vous préoccupe peut commencer à vous sembler très démesurée".

Le magazine Business Today expose d'ailleurs que la "Zoom dysmorphie" a provoqué une hausse record des opérations chirurgicales aux Etats-Unis, en 2020. Révélateur, surtout quand on sait à quel point nos interactions en face à face y ont été restreintes. Distanciation sociale, j'écris ton nom.

Comment y remédier

Plusieurs astuces d'expertes aident à se détacher de ce comportement nocif même si involontaire. D'abord, on peut envisager d'éteindre sa caméra dès qu'on rejoint la discussion. Une solution à court terme, on en convient, mais qui a tendance à marcher - du moins sur le moment. Ensuite, la thérapeute cognitivo-comportementale et travailleuse sociale Alyssa "Lia" Mancao évoque à MindBodyGreen un stratagème moins radical : mettre un post-it sur l'endroit où apparait notre visage à l'écran. "Si vous voulez vraiment vous mettre au défi, vous pouvez laisser votre caméra allumée, mais vous entraîner à établir un contact visuel avec les autres personnes qui participent au Zoom", avise-t-elle encore.

Pour Annette Nunez, psychothérapeute, tout passe par la pratique quotidienne d'exercices de développement personnel. Elle conseille ainsi de se regarder dans le miroir et de s'adresser une déclaration positive dix fois de suite, deux à trois fois par jour. "Souvent, j'ai des clients qui pleurent les deux premières fois qu'ils le font", avertit la spécialiste. "Au début, on se sent forcé·e, puis avec le temps, ça devient plus facile... Ça commence à changer la façon dont le cerveau perçoit notre apparence".

Autre technique, celle d'écrire toutes les pensées négatives qui "tourbillonnent dans notre esprit" une fois qu'on a raccroché. Et de les "recadrer avec un état d'esprit positif". "Avec le temps, vous allez voir un thème", note-t-elle, "et vous pourrez essayer d'accepter ces caractéristiques que vous ne pouvez pas contrôler", ni changer. Les deux spécialistes recommandent de concert de s'éloigner des réseaux sociaux avant de démarrer, tant la comparaison qu'ils font régner joue avec nos nerfs. Ça, et la dictature des filtres, que Zoom propose aussi.

Une option à double tranchant, que déconseille la psychothérapeute : "Si on met [le filtre], on sera sûrement plus heureux·se avec notre apparence virtuelle. Mais le problème, c'est que lorsque Zoom est désactivé, ce n'est pas vraiment à [la version filtrée] qu'on ressemble". Reste à se rassurer en pensant solidarité. Et en se disant que, si le sujet est abordé par une ribambelle de professionnel·le·s de santé et de médias, c'est qu'on est loin d'être les seul·e·s à en éprouver ses désagréments.

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