Il y a des rôles qui comptent plus que d'autres. Ou tout du moins, qui résonnent d'une manière plus intense encore chez leurs interprètes. Et cela s'observe face à Avant que les flammes ne s'éteignent, film ambitieux à découvrir en salles dès ce 15 novembre, et qui offre à Camélia Jordana le rôle d'une vie.
Dans ce long-métrage de Mehdi Fikri, que l'on connaît déjà en tant que plume des séries Hippocrate et Miskina, la chanteuse et comédienne incarne une jeune maman apprenant la mort aux circonstances très ambiguës de son frère Karim suite à son arrestation par les forces de l'ordre. En découle un combat aussi individuel que collectif pour la vérité et la justice.
Un portrait de femme que l'actrice porte sur ses épaules.
On connaît naturellement l'engagement de l'artiste Césarisée contre les violences policières. On se rappelle qu'en 2020 son investissement à ce sujet, des plateaux aux manifestations, avaient suscité le soutien de l'autrice et journaliste féministe Mona Chollet, de l'actrice Adèle Haenel et bien sûr... d'Assa Traoré.
Dans Avant que les flammes ne s'éteignent, l'actrice se confronte à un sujet de société qui évoque justement, et frontalement, le combat mené depuis des années par la militante afroféministe Assa Traoré et le collectif initié en mémoire de son jeune frère, mort à l'âge de 24 ans, Justice pour Adama.
Un postulat d'où émane une vraie performance...
Aux antipodes de films-phénomènes récents comme Athéna de Romain Gavras, Mehdi Fikri délivre avec Avant que les flammes ne s'éteignent une oeuvre anti spectaculaire au possible. C'est moins la démonstration de force que l'intensité de l'intime que désire saisir le cinéaste, qui s'émancipe des clichés et stéréotypes inhérents à un genre un peu hâtivement qualifié depuis La haine de Matthieu Kassovitz de "cinéma de banlieue".
Une formule très facile, trop facile : il s'agit avant tout ici de saisir des personnages bousculés par les drames qui viennent meurtrir leur existence, mais aussi habités par leur propre vulnérabilité, leurs failles et contradictions.
Ainsi on constatera que Malika, la soeur et mère incarnée par Camélia Jordana, est avant tout une femme en conflit avec elle-même. L'occasion pour la comédienne de privilégier trouble introspectif et complexité à travers son jeu. Tout en interrogeant la façon dont des familles comme celle de notre protagoniste se retrouvent médiatisées, et stigmatisées, "dans la vraie vie".
La tragédie que vit Malika, et son passé que l'on ne dévoilera pas, synonyme pour elle de culpabilité, outrepasse par ailleurs le "simple" contexte social (loin de l'être justement, simple) pour tendre vers quelque chose d'universel. C'est ce que Camélia Jordana détaille auprès de franceinfo : "Malika m'a beaucoup fait penser à Antigone : on parle de famille, de deuil, de rejet..."
Et chose rare à l'image - on pense au Bande de filles de Céline Sciamma, dont l'oeuvre vient de débarquer sur Netflix ! - Avant que les flammes ne s'éteignent donne de la voix à un personnage féminin au sein d'un univers généralement largement testostéroné, défini par les auteurs en manque d'inspiration par des rapports de force masculins voire carrément virilistes.
Qui de mieux que la chanteuse pour faire résonner cette parole ?
De sa partition émane une vraie densité, arborée par l'actrice avec une sensibilité touchante. Mais aussi, une colère qui boue, palpitante, à l'intérieur, dans les regards et les silences. Fort.
Avant que les flammes ne s'éteignent, de Mehdi Fikri
Avec Camélia Jordana, Sofiane Zermani, Louise Coldefy...
En salles ce 15 novembre