Un badge pour montrer à ses collègues que l'on a ses règles, c'est la très mauvaise idée de la chaîne japonaise de magasins de luxe Daimaru. Le projet, lancé le mois dernier dans l'un des magasins de la chaîne situé à Osaka, a rapidement créé la polémique sur les réseaux sociaux.
L'initiative reposait sur la base du volontariat. Chaque employée féminine s'est vue proposer un badge "menstruations", illustré avec un personnage issu du manga Little Miss P, Seiri-Chan, aussi connue sous le nom de Miss Period, "Miss règles" en français.
Selon la direction de la chaîne, ce badge avait pour objectif d'encourager l'empathie entre salarié·e·s. En proposant aux femmes souffrant de règles douloureuses de porter ce badge, celle-ci espérait que leurs collègues - masculins comme féminins - seraient plus enclin·es à les aider dans les tâches les plus pénibles ou de leur permettre de prendre des pauses plus régulières. L'idée du badge aurait d'ailleurs été suggérée par des employées de la chaîne, à l'occasion de l'ouverture d'un espace "bien-être des femmes" dans le magasin, rapporte CNBC.
Une initiative que les clients du magasin d'Osaka n'ont visiblement pas appréciée, comme en témoignent les vives critiques postées sur les réseaux sociaux qui se multiplient ces derniers jours. "Nous avons reçu de nombreuses critiques de la part du public. Selon certaines plaintes, il s'agirait de harcèlement et ce n'était certainement pas notre attention", regrette un porte-parole de Daimaru dans les colonnes de The Japan Times, qui assure aujourd'hui "reconsidérer" ce projet. Celui-ci ajoute : "Nous n'annulons pas le projet pour autant parce qu'il est destiné strictement à la communication interne, parmi les salariées qui travaillent ici."
Depuis plusieurs mois, les Japonaises se battent contre les injonctions qu'elles subissent depuis bien trop longtemps dans le milieu professionnel. En mars dernier, elles lançaient sur les réseaux sociaux le mouvement #KuToo - une référence à #MeToo, construite à partir des mots japonais Kutsu (chaussure) et Kutsū (douleur) - afin de dénoncer l'obligation quasi systématique de porter de talons hauts sur leur lieu de travail.
Plus récemment, les salariées japonaises élevaient à nouveau la voix afin d'obtenir le droit de porter des lunettes de vue au travail. Les femmes souffrant de problèmes de vue sont très souvent contraintes de porter des lentilles de contact dans le cadre professionnel et ce, pour des raisons "esthétiques". Des managers justifiaient cette interdiction de façon plus ou moins absurde, arguant que les lunettes donneraient une "expression froide" aux vendeuses, ou encore qu'elles feraient tache sur la tenue que doivent porter les serveuses. Une interdiction qui, là encore, ne concerne que les femmes.
Si le "badge menstruations" se faisait sur la base du volontariat et n'avait rien d'obligatoire, celui-ci vient malgré tout renforcer l'idée reçue selon laquelle une femme serait moins capable d'exercer son emploi lorsqu'elle a ses règles. Un cliché tenace, décrédibilisant les femmes dans leur job et venant creuser au passage les inégalités femmes-hommes dans le monde professionnel.