C'est un bel exemple de sexisme ordinaire que dénoncent ces derniers jours les Japonaises sur Twitter. Leur combat ? Pouvoir porter des lunettes de vue sur leur lieu de travail, et non plus des lentilles de contact comme de nombreux employeurs l'imposent aujourd'hui.
C'est un reportage de la chaîne Nippon TV diffusé mercredi 6 novembre qui a mis le feu aux poudres, en donnant la parole à des managers justifiant cette interdiction de façon plus ou moins absurde. L'un d'entre eux explique ainsi que les lunettes donnent une "expression froide" aux vendeuses tandis qu'un autre explique que les lunettes de vue font tache sur la tenue que doivent porter les serveuses.
Une interdiction qui ne concerne bien évidemment que les femmes, qui depuis la diffusion du reportage sont bien décidées à se rebiffer dans le pays. Sur Twitter, le hashtag #メガネ禁止 - que l'on peut traduire par "les lunettes sont interdites" - a inspiré des milliers de tweets et de retweets et le ton monde sur le réseau social.
Interviewée par The Japan Times, Banri Yanagi, courtière en assurances, rappelle : "L'accent est souvent mis sur les jeunes femmes, de qui l'on attend qu'elles se montrent féminines. C'est étrange d'autoriser les lunettes de vue aux hommes mais pas aux femmes."
Ce n'est pas la seule injonction que doivent respecter les travailleuses au Japon, dont l'apparence physique semble compter tout autant que le sérieux de leur travail. En mars dernier, plusieurs femmes dans le pays montaient déjà au créneau pour lutter contre l'exigence communément admise de devoir se maquiller dans le cadre de son emploi.
En juin, elles lançaient le mouvement #KuToo - une référence à #MeToo, construite à partir des mots japonais Kutsu (chaussure) et Kutsū (douleur) - pour dénoncer l'obligation imposée dans de nombreuses sociétés de porter des talons hauts sur son lieu de travail. Malgré le succès de la pétition - plus de 31 000 signatures - le gouvernement avait préféré ne pas se mouiller et avait décidé de conserver cette règle plus ou moins officielle selon les entreprises. Takumi Nemoto, ministre de la Santé, du Travail et du Bien-être de l'époque, justifiait alors : "Il est généralement admis par la société que porter des talons hauts est nécessaire et raisonnable sur le lieu de travail."
Au Japon, les injonctions liées à l'apparence physique des femmes débutent dès l'école, où les étudiantes sont généralement soumises à de nombreuses règles. "Les enseignants les obligent parfois à se teindre les cheveux en noir ou fixent la longueur des jupes et la couleur des sous-vêtements. Lorsque ces codes ne sont pas respectés, proviseurs ou professeurs peuvent empêcher les récalcitrants d'assister aux cours", rappelait ainsi Courrier International.
Une pétition avait été lancée à l'époque contre ce statut quo, signée par plus de 60 000 personnes. "Les règles scolaires qui portent atteinte aux droits de l'homme sont comme les châtiments corporels. Ils doivent faire l'objet de directives précises", précisait alors Chiki Ogiue, du collectif à l'origine de la pétition.
Les Japonaises semblent aujourd'hui bien décidées à faire bouger les choses et ce nouveau combat ne pourrait être que le début d'un mouvement d'émancipation bien plus important.