Derrière elle, des centaines de personnes, réglant leurs pas sur les siens. Et au lointain, la maison de son futur mari. L'on a déjà vu marche moins impressionnante que celle entreprise par Khadiza Akter Khushi. Le jour de son mariage, cette jeune citoyenne du Bangladesh - elle n'a que 19 ans - a décidé de se rendre à pied vers la demeure maritale. Pourquoi ? Parce que la tradition exige l'inverse : c'est l'époux qui est censé effectuer une marche vers sa chère et tendre afin d'officialiser ses fiançailles.
Khadiza Akter Khushi se permet donc de bouleverser les codes. Mais pas seulement. En foulant du pied le district de Meherpur (à l'ouest du pays), elle défend les droits de ses consoeurs Bangladaises. "Si les garçons peuvent amener les filles au mariage, pourquoi les filles ne le peuvent-elles pas ?", a décoché la fière marcheuse à la chaîne britannique BBC. Ou comment concilier l'effort sportif à l'empowerment...
Car si inverser la tendance vous semble anecdotique, il n'en est rien en vérité. Cela fait depuis l'Antiquité que les époux Bangladais effectuent eux-même ce cheminement. L'homme doit rejoindre sa compagne avant que cette dernière ne fasse ses adieux à sa famille : c'est un code patriarcal profondément ancré dans les moeurs. Pour les maris les plus conservateurs, la "marche-inverse" est forcément synonyme d'humiliation. Ce qui fait de cet "happening" un véritable acte de bravoure féministe. Et, pour beaucoup, une inacceptable provocation. D'aucuns, précise le site d'informations, exigent ainsi que le couple et leurs familles soient "battus avec des pantoufles". Et ce malgré le fait que mari et femme aient, par-delà cette marche, respecté les normes du mariage - en s'entourant de témoins, par exemple.
Soutenue par son époux, Khadiza Akter Khushi fait fi des nombreuses menaces qui pèsent sur elle. A la BBC toujours, elle persiste et signe : "Ce n'est pas le tradition dont il est question, c'est une question de droits des femmes", décoche-t-elle. Espérons que leur élan progressiste fédère les foules. Car au Bangladesh, la situation est loin d'être simple pour la gent féminine. En avril dernier encore, Nusrat Jahan Rafi, une jeune femme de dix-neuf ans (elle aussi) avait été brûlée vive pour avoir "osé" porter plainte pour harcèlement, à l'encontre d'un directeur d'école coranique. Cette tragédie avait engendré de nombreuses manifestions à travers le pays.
Ce drame démontre non seulement la dangerosité assassine et l'emprise du pouvoir patriarcal sur le corps et la vie des femmes Bangladaises, mais également, comme le déplore l'organisation non-gouvernementale Human Rights Watch, le fait que "les autorités du Bangladesh sont en échec face aux agressions sexuelles". De quoi rendre d'autant plus salutaire le mouvement initié par Khadiza Akter Khushi, une femme forte et inspirante.