2018 aura marqué une flambée du militantisme féministe. Dans la continuité du mouvement #MeToo, les femmes sont montées au créneau, ont haussé le ton, sont descendues dans la rue, ont pris le pouvoir.
Nous avons voulu rendre hommage à ces combattantes qui ont fait avancer la cause et ont donné un écho aux voix féminines. Voici la liste (évidemment) non-exhaustive de dix femmes inspirantes qui auront porté cette année.
Il y a encore un an, elle était serveuse dans un petit bar new-yorkais. Depuis le 6 novembre et les élections de mi-mandat américaines, Alexandria Ocasio-Cortez, 28 ans, est devenue la plus jeune élue de l'histoire du Congrès. Elle fait partie de ces nouvelles têtes qui auront bousculé les mid-terms et régénéré le paysage politique US.
Figure de proue de la génération post-Hillary, diverse et bagarreuse, la jeune démocrate secoue l'establishment mou. Politicienne 2.0, adepte des punchlines cinglantes, cette enfant du sénateur socialiste Bernie Sanders cultive sa fraîcheur cash et cool. Et compte bien donner du fil à retordre à l'administration Trump. Déjà iconique.
Serena Williams est la championne de tous les superlatifs : joueuse de tennis la mieux payée au monde, la plus primée (39 titres de Grand Chelem), la plus puissante, la plus scrutée aussi. Ses prises de position, notamment en faveur de l'égalité salariale dans le sport, et ses coups de gueule sur les cours prennent de fait des allures de tribunes politiques.
Serena réplique, elle déplaît, elle chahute. Sa combinaison a ébouriffé Bernard Giudicelli, président de la Fédération française de tennis (FFT) ? Elle y a répondu en portant un tutu. Preuve de son influence, la WTA (World Tennis Association) a annoncé être déterminée à moderniser son "code vestimentaire". Une reine.
Elle a osé riposter au harcèlement de rue. Son "ta gueule" cinglant et courageux lui a valu de se faire frapper à coup de cendrier par son harceleur en retour. La scène-choc, captée par une caméra de vidéosurveillance, a été vue plus de 2 millions de fois sur sa page Facebook. Car Marie Laguerre n'en est pas restée là : elle a porté plainte (son agresseur a été condamné à six mois de prison ferme le 4 octobre dernier) et a porté son combat dans les médias.
L'étudiante en architecture de 22 ans est ainsi devenue la porte-parole de ces femmes harcelées, agressées au quotidien. Elle a d'ailleurs été classée parmi les femmes de l'année selon la BBC. Mais comme beaucoup d'autres qui ont osé "l'ouvrir", Marie subit la double peine : d'agressée, elle est devenue harcelée. Elle a donc déposé plainte contre X le 5 décembre pour cyber-harcèlement et menaces auprès du parquet de Paris. La lutte continue.
Ruth Bader Ginsburg, alias "RBG", est peu connue dans l'Hexagone. Pourtant, cette grande dame de 85 ans est une véritable icône féministe outre-Atlantique. Juge de la Cour suprême des États-Unis depuis 1993, elle a bâti sa réputation de guerrière grâce à son combat pour l'égalité femmes-hommes, entre autres discriminations.
Alors le juge conservateur Brett Kavanaugh, poulain de Donald Trump, a fait son entrée à la Cour le 6 octobre dernier, "RBG" fait figure de rempart contre toutes les régressions qui guettent les Etats-Unis. Preuve de son aura : un splendide documentaire lui a été consacré cette année et un biopic, Une femme d'exception, avec Felicity Jones sortira ce 2 janvier 2019.
C'était une grande première : pour la première fois de l'Histoire du Ballon d'Or, une footballeuse allait être récompensée. Ce moment, le DJ Martin Solveig a cru bon de le gâcher avec une remarque bien sexiste. Alors qu'Ada Hegerberg, attaquante norvégienne évoluant à l'Olympique lyonnais, recevait son trophée, le DJ a osé un "Tu sais twerker ?" lunaire.
Magnanime, sans un sourire, la championne a juste répondu d'un impérial : "Non". La classe au-dessus de la beaufitude.
Avec Noire n'est pas mon métier, l'actrice a mis un bon coup de pied dans la fourmilière du cinéma français. Dénonçant les stéréotypes qui imprègnent le milieu et le manque de diversité des rôles qui leur sont proposés, Assaï Maïga et quinze autres actrices noires ou métisses poussent un coup de gueule salutaire et appellent les productions françaises à plus d'imagination.
Le happening du collectif sur les marches du palais des festivals à Cannes au son du tubesque Diamond de Rihanna restera comme l'un des moments les plus badass de l'édition 2018.
La Première ministre britannique Theresa May n'a pas seulement à batailler avec Bruxelles dans les interminables tractactions pour parvenir à un "deal" sur le Brexit : elle a aussi à croiser le fer avec la Première ministre écossaise. Alors que 62% des Écossais ont voté contre la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, Nicolas Sturgeon ne rate pas une occasion de tacler son homologue et de réclamer un second référendum. En ligne de mire : l'opportunité pour l'Ecosse de devenir (enfin) indépendante.
Et parce que la dirigeante du Parti nationaliste écossais n'aime rien tant que résister, elle s'est offert un petit plaisir en snobant Donald Trump le 14 juillet, préférant défiler la Marche des fiertés à Glasgow plutôt que de rencontrer le président américain. Un joli pied de nez.
On la connaissait sautillante et enfantine, célébrant la "positive attituuude" et le "week-eeeend". Lorie a grandi et a surpris en dévoilant ses plaies intimes dans un livre, Les choses de ma vie. La jeune femme y révèle sa grossesse extra-utérine passée et s'érige en combattante contre l'endométriose, maladie encore invisibilisée qui touche pourtant une femme sur dix.
Qui eut cru que la chanteuse et actrice auparavant si sage allait se définir comme une "hors la loi" après avoir fait congeler ses ovocytes en Espagne ? On applaudit cette réinvention courageuse.
Elle a déboulé sur la scène musicale par surprise et l'ouragan Aya Nakamura a tout emporté sur son passage. Son Djadja gouailleur est devenu l'hymne girl power inattendu de l'année, affolant les plateformes Spotify et Deezer et les dancefloors de France.
La pop urbaine de la jeune chanteuse originaire d'Aulnay-sous-Bois s'est répandue comme une traînée de poudre à travers l'Europe : à 23 ans, Aya Nakamura est devenue la première Française depuis Edith Piaf en 1961 à atteindre le sommet du top néerlandais et la première artiste féminine française à voir son album classé numéro 1 sur Spotify France et Apple Music France. Le succès fulgurant de celle qui confie avoir commencé à chanter dans sa chambre en pyjama agace. C'est souvent bon signe.
Cette année, les femmes sont descendues en masse dans la rue. Pour ne plus laisser dire, pour ne plus laisser faire. En Espagne, elles ont crié leur colère après la libération des agresseurs de "La Meute". En Irlande, elles manifestaient pour demander la légalisation de l'avortement, en Amérique du Sud pour se soulever contre les féminicides. En Iran ou en Arabie saoudite, les militantes ont osé arpenter les rues en retirant leur hijab. En France, le 24 novembre, la marche #NousToutes a rassemblé plus de 50 000 personnes contre les violences sexistes et sexuelles.
Ces mouvements de colère ont aussi insufflé un immense élan d'espoir. Car dans le sillage de #MeToo, les voix se libèrent, les corps se rebellent et la sororité se fait puissante. Nous toutes, nous tous, avons fait de 2018 une année féministe. Et ce n'est que le début.