J'ai la profonde conviction que l'art fait partie du processus de civilisation. La société peut s'humaniser et s'adoucir par le biais de la politique, conçue comme la pensée du vivre ensemble, mais aussi, et de façon très importante, par l'art. C'est une pratique séculaire pour nous emparer de la réalité, réalité qui se réinvente avec l'art, avec l'écriture.
Selon moi ce sont les artistes de la « célébration », ceux qui croient que l'humanité peut s'améliorer. Par exemple des artistes comme Frank Capra qui, au cinéma, propose un modèle d'humanité proche de la fable mais optimiste, et en général tous ceux qui se placent du côté de l'espoir, à l'opposé des « professeurs du désespoir », incriminés par Nancy Huston. Alors que le pessimiste abdique sa responsabilité en postulant qu’il ne peut rien changer aux choses, l'optimiste croit qu'il peut y contribuer. Du reste, l'optimisme est mon plus grave défaut. Le désir est au cœur de cette affaire, de cette étreinte avec la vie. L'art est l'un des moyens de cette étreinte. En voulant transformer le monde, il apporte sa contribution au processus de civilisation.
J'ai confiance dans les œuvres, et me sens à cet égard une femme du XVIIIe siècle au sens où je n’ai pas renoncé au projet des Lumières. L'humanisme des Lumières, cette philosophie où la raison est une source de progrès, reste un projet de civilisation valide. On ne doit pas oublier que parmi des horreurs sans noms, le XXe siècle a aussi inventé la non-violence, ou le Tribunal pénal international, deux véritables raisons d’espérer. Je crois que les œuvres d’art portent aussi cet idéal.
Écrire, c'est transmettre à mes contemporains. Je crois au travail sélectif de la postérité, qui balaie les imposteurs ou les parasites qui s'imposent par intérêt personnel. Le temps sait sélectionner. Ce qui compte à mes yeux est de laisser quelque chose de suffisamment intense pour que ceux qui nous suivent puissent y chercher leur nourriture.
Crédit photo : Patrick Box
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