La période que nous vivons me fait penser à la Renaissance, un moment de tumultes, de questionnements et d’incandescence. Un moment de crise, de prise de conscience. Les repères bougent, les mutations s’accomplissent. En ne les choisissant pas, nous ne pourrons que les subir... L’imagination créative me donne à espérer qu’il reste possible d’inventer une autre façon d’être au monde. De même que l’imprimerie ou l’astronomie au XVe siècle, le numérique, la biologie, l’astrophysique au XXIe siècle créent un nouvel espace à défricher, c’est ce qui fonde l’incroyable accélération des innovations que l’on constate aujourd’hui. Quand l’imagination créative s’exerce à la confluence de disciplines et de nouvelles technologies perçues comme éloignées les unes des autres, elle porte le développement d’inventions improbables et passionnantes. Le défi de l’imagination créative aujourd’hui ? Réinventer l’homme de Vitruve, créer le visage de l’humanité 5.0.
Celui qui pour moi l’incarne le mieux par l’ensemble de son œuvre est le philosophe et scientifique Michel Serres, qui explore depuis longtemps la puissance de l’interdisciplinarité qu’il évoquait déjà dans Passage du Nord Ouest. C’est un humaniste qui a pressenti et analysé beaucoup des questionnements d’aujourd’hui, comme par exemple « Hominescence », livre qui décrivait dès 2001 comment les sciences et techniques transforment l’être humain, créent une humanité « augmentée » à définir. C’est d’ailleurs ce à quoi il nous invite aujourd’hui quand il écrit qu’il est temps d’inventer « d’inimaginables nouveautés, hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites. (…), puisque tout est à refaire, tout reste à inventer... »
La création récente qui m’a le plus séduit était le voyage proposé par la Fondation Cartier au pays des mathématiques. Une exposition très étonnante où mathématiciens, astrophysiciens et artistes donnaient à voir et à comprendre autrement le langage des mathématiques.
Je souhaite transmettre aux plus jeunes cette curiosité, cette volonté de comprendre le monde qui nous entoure, d’en être un acteur. C’est ce qui m’a conduit à lancer Science Factor sur Facebook, le réseau social dont se servent aujourd’hui le plus les adolescents. Science Factor est un espace d’échanges, de discussions, où nous testons leur réceptivité à des innovations récentes présentées en quelques lignes. La particularité de cette démarche c’est d’avoir mis en place un concours extrêmement simple, ouvert à tous, qui leur permet de s’exprimer et de présenter une innovation qu’ils aimeraient mettre en place, dont nous leur demandons de bien expliciter l’apport pour la société et/ou l’humanité. La simplicité du processus de participation est faite pour permettre à des lycéennes et des lycéens de tous les niveaux de participer et de présenter un projet. Elle permet également de révéler si le projet proposé est en phase avec les aspirations de cette génération, car ce sont les votes des « Facenautes », en majorité des adolescents du même âge, qui déterminent les projets finalistes retenus. J’espère qu’en mettant en valeur leur aptitude à imaginer, à créer des projets innovants nous leur transmettons la possibilité d’être, de choisir et devenir, enracinés dans des valeurs humanistes.
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