Virginie Despentes le démontrait déjà par A + B dans son magistral King Kong Théorie : le patriarcat fait du mal aux hommes comme il en fait aux femmes, d'où la nécessité de la lutte féministe, qui concilie les genres dans une quête d'égalité. Rapport aux injonctions et aux violences, aux pressions diverses, aux stéréotypes de genre et aux émotions... On ne naît pas homme, on le devient, mais cela n'est pas forcément positif. Ce qui le prouve, c'est le rapport aux violences sexuelles.
Bouli Lanners souhaite sensibiliser à tout ça justement. L'acteur Belge Césarisé pour sa magistrale partition dans le thriller La nuit du 12 - glaçante histoire (vraie) de féminicide.. et d'hommes plus ou moins "déconstruits" - a été victime de harcèlement sexuel sur un plateau de tournage. Des abus commis par une réalisatrice plus âgée que lui.
Mais on ne l'a jamais cru, de par sa stature, son profil... "À chaque fois que j'ai commencé à en parler, les gens ont ri parce que j'étais un mec, parce que j'étais gros et que j'avais bien de la chance d'être là. Donc la parole n'était pas écoutée non plus. Cette réalisatrice avait le pouvoir de. Et c'est celui qui a 'le pouvoir de' qui l'exerce sur l'autre", expliquait-il à La Libre.
Aujourd'hui, c'est sur les ondes de France Inter qu'il poursuit le combat contre l'omerta. Et l'énonce : le plus dur n'est pas de parler, mais d'être écouté. Une voix retentit pour toutes les victimes silenciées.
Sur Inter, Bouli Lanners met des mots justes sur la condition de victime : "Je viens d'un milieu extrêmement modeste où les gens n'ont jamais accès à la presse, et la parole doit se libérer, mais l'écoute, elle aussi, doit être à un moment donné présente, parce qu'il ne suffit pas de parler, il faut que quelqu'un écoute. Donc il faut que quelqu'un écoute toutes les femmes, tous les gens qui ont besoin de parler... Moi c'est ma femme qui m'a dit : "mais parle de ton histoire, ça te donnera une forme de légitimité à en parler"
Faut-il déplorer à l'unisson qu'un homme soit volontiers davantage pris au sérieux qu'une femme sur un même sujet ? Cela ne fait aucun doute. Mais le comédien le premier s'en attriste. Il a d'ailleurs beaucoup hésité avant d'aborder sa propre expérience. Ce sont les révolutions féministes de ces dernières années qui sont venues le convaincre, et l'opinion de son épouse.
A La Libre toujours, célèbre journal Belge, Bouli Lanners le déplorait volontiers : "C'était extrêmement difficile pour moi d'en parler. J'en ai parlé très peu. Et même aujourd'hui, ma parole n'est pas acceptée parce que je suis un homme et que je fais partie du camp de ceux qui sont les harceleurs".
"Je peux difficilement parler de ça. C'est un peu comme si je trouvais une excuse pour justifier ce que les autres font. Non, pas du tout. Si on nous avait remis, moi, dans le rôle d'une comédienne, et la réalisatrice, dans le rôle d'un réalisateur, il y aurait un #MeToo directement. Il faut simplement que la parole se libère"
Depuis sa prise de parole, le mouvement #MeTooGarçons, notamment incarné par Aurélien Wiik, de la série Munch, est venu appuyer cette nécessité de faire retentir sa voix.