Leurs manifestations monstres dans les rues brésiliennes auront été vaines. Le 29 septembre, les femmes avait défilé dans les rues du pays sous le slogan #EleNao ("Pas lui"), repris sur les réseaux sociaux.
Mais rien n'aura suffi. Le candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro a remporté l'élection présidentielle ce dimanche 28 octobre dimanche par 55,13% contre 44,87 % pour son opposant de gauche, Fernando Haddad.
L'homme politique brésilien de 63 ans, qui parle avec nostalgie de la dictature militaire qui a sévi de 1964 à 1985, fait peur aux minorités par ses propos et la violence qui s'en dégage. Le fond de commerce de ce député élu depuis 1990 et qui n'aura fait que deux propositions de loi en 28 ans ? Les sorties à l'emporte-pièce.
En plein débat à l'Assemblée nationale, il avait lancé à l'ancienne ministre des droits humains Maria do Rosário : "Je ne te violerai pas, parce que tu ne le mérites pas". Il la jugeait alors "trop moche". C'était lors d'un débat sur les viols à grande échelle commis pendant la dictature militaire entre 1964 et 1985, agressions sexuelles que Jair Bolsonaro nie.
Traditionaliste et conservateur sur la famille, Jair Bolsonaro est contre l'avortement. Alors qu'une pression constante se fait pour la légalisation de l'avortement chez son voisin argentin, il s'est lui même déclaré opposant à tout assouplissement législatif sur l'IVG au Brésil (qui n'est aujourd'hui autorisé qu'en cas de viol, de risque pour la mère ou de malformation grave du cerveau du foetus).
Il s'oppose également au planning familial et à l'égalité des salaires parce qu'une femme a droit à un congé maternité. Sa femme est elle-même très croyante.
Mais comme le rappelle Maria do Rosário dans des propos repris par Le Figaro : "Le Brésil est le champion des violences faites aux femmes". 4800 femmes ont été assassinées en 2017 selon l'ONG Forum brésilien pour la sécurité publique.
Le meurtre d'une femme cet été avait choqué le Brésil. Sur une vidéo de caméra de surveillance, on voyait un homme poursuivre sa femme dans un parking, puis dans l'ascenseur de leur immeuble et enfin le corps sans vie de la femme, tombée du quatrième étage sur le trottoir. Son mari l'avait ensuite traînée dans l'ascenseur avant d'en nettoyer le sang de sa victime.
L'ONG estime également à 60 000 le nombre de femmes violées l'année dernière. Les meurtres et les viols sont respectivement en hausse de 6 % et 8 % par rapport à l'année précédente.
Malgré la misogynie avérée du candidat, les femmes ne se sont pas détachées du candidat. Si on ne connaît pas encore les détails du scrutin, l'un des derniers sondages montrait que 52 % des femmes voteraient pour le candidat d'extrême droite contre 48 % pour le candidat de gauche.
Dans un entretien rapporté par le site de RFI, Bolsonaro avait déclaré clairement : "Il n'y aura plus d'argent public pour les ONG d'activistes qui défendent les droits des minorités". Seul compte pour lui "la volonté de la majorité".
En mars dernier, une conseillère municipale de Rio de Janeiro avait été assassinée pour sa défense des femmes et des minorités et sa lutte contre les violences policières. Une plaque en sa mémoire avait été arrachée début octobre par deux députés du parti de Bolsonaro.
L'actrice lesbienne Ellen Page avait réalisé en 2016 une interview lunaire de Bolsonaro. Elle lui avait demandé des explications sur le fait qu'il ait appelé à harceler les LGBT+. Le politicien avait répondu les yeux dans les yeux et très calmement : "Tu as l'air très gentille, si je t'avais vue dans la rue quand j'étais à l'école des cadets, je t'aurais sûrement sifflée dans la rue. Je pense que pour la majorité des personnes gay, c'est un problème de comportement. Quand j'étais jeune, et en parlant de pourcentage, il n'y avait que très peu de personnes gay. Mais au fur et à mesure, avec les politiques libérales, les drogues ou les femmes qui travaillent, le nombre d'homosexuels a vraiment augmenté".
Il ajoutait ensuite : "J'ai aussi tendance à dire que si votre fils commence à fréquenter certaines personnes ayant un certain comportement, il adoptera ce genre de comportement, il pensera que c'est normal."
La suite de l'entretien était à l'avenant : "Si votre enfant est violent, vous lui donnez une correction et il arrête d'être violent. Mais le contraire est aussi vrai. Si vous lui faites comprendre que ceci ou cela est normal, peu importe ce qu'est le normal, l'enfant va le faire."
Il avait auparavant déclaré dans un entretien donné à Playboy en 2011 qu'il préférait que son fils soit mort dans un accident plutôt que gay avant d'ajouter : "Pour moi, il serait de toute façon mort. Si un couple homosexuel vient s'installer à côté de chez moi, ils vont faire baisser le prix de l'immobilier" ou "Je serais incapable d'aimer un enfant homosexuel".
En 2013, il avait qualifié Eleonora Meniucci, ministre des droits des femmes de "grosse gouine".
Récemment, il s'en était pris au Guide du zizi sexuel de ZEP, l'accusant d'être "un kit pour rendre les enfants homosexuels".
À une actrice noire qui lui demandait ce qu'il ferait si son fils tombait amoureux d'une femme de couleur, Bolsonaro répondait : "Je ne vais parler de promiscuité ni avec toi, ni avec personne. Ça ne risque pas d'arriver, car mes fils ont été bien élevés et n'ont pas grandi dans le type d'environnement qui a malheureusement été le tien."
Malgré son racisme assumé, Bolsonaro avait un large soutien parmi les noir·es et les multiraciaux brésilien·nes. Ils étaient 52 % à avoir déclaré vouloir voter pour lui dans un sondage paru le 27 octobre.
Comme le rapporte Le Monde, les terres des Amérindien·nes représentent 13 % du territoire. Jair Bolsonaro, qui veut sortir de l'Accord de Paris, dénonce le radicalisme écologique. Il avait donc déclaré en février que "si j'assume le pouvoir, l'Indien n'aura plus un centimètre de terre [...] L'Indien ne veut pas de terre, il veut la dignité."
Il souhaite ainsi récupérer des terres pour des projets énergétiques. "Comme il est soutenu par le lobby parlementaire de l'agro-business, qui est très fort, Bolsonaro veut pratiquement mettre l'environnement au service de l'agro-business", explique Geraldo Monteiro, politologue à l'Université de l'Etat de Rio de Janeiro, à l'AFP.
Plus généralement, Bolsonaro a mis à son programme l'amnistie des crimes commis par des policiers, ouvrant ainsi la voix aux bavures, comme aux Philippines sous le régime de Rodrigo Duterte. Il a également promis le retour de l'autorisation du port d'armes.
Jair Bolsonaro débutera en janvier 2019 un mandat de quatre ans à la tête du Brésil. Et on tremble.