Les culottes high-size, All By Myself de Céline Dion, les pulls kitsch de Colin Firth, le regard de Hugh Grant, et bien sûr, le naturel désarmant de Renée Zelwegger... Le journal de Bridget Jones (très vite raccourci en "Bridget Jones" par les aficionados) a marqué les esprits dès sa sortie en 2001 et s'est rapidement imposé comme une petite pièce culte du cinéma romantique contemporain. Le témoignage générationnel d'une "célibattante" (oui, ce terme est horrible) que d'aucuns disent "parfaitement imparfaite". On ne se lasse pas de le revoir à chaque diffusion.
Oui, mais... Justement, est-ce si simple de replonger dans la franchise Bridget Jones (trois volets au compteur) en 2020 ? Une spectatrice répond que "non", et pas n'importe qui : Helen Fielding, l'autrice du best-seller originel, dont s'est inspiré le cinéaste britannique Richard Curtis (Coup de foudre à Notting Hill, Love Actually) pour broder son adaptation à succès. Invitée sur les ondes de la BBC (dans le cadre de l'émission Desert Island Discs), l'écrivaine ne s'est pas privée de tacler une oeuvre dont elle fut pourtant la co-scénariste.
Vous connaissez l'adage : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. D'où acte. Avec le recul, figurez-vous que Fielding trouve Le journal de Bridget Jones non seulement dépassé mais carrément sexiste. Un compte-rendu pour le moins cinglant.
"J'ai emmené mes enfants assister à une projection du film récemment. Je ne l'avais pas vu depuis des années et j'ai été choquée", raconte l'autrice. Les raisons ? Le contraste entre le ton insouciant de l'oeuvre et le sexisme quotidien (banalisé ?) que subit son héroïne au gré de séquences drôlatiques. Des "mains au cul dans plein de scènes" par exemple mais aussi ce moment où son patron Richard Finch (Neil Pearson) lui demande "une photo de ses seins". A en croire Fielding, il ne serait plus vraiment envisageable d'écrire de telles situations aujourd'hui, avec la même dérision. Ce qui n'est pas vraiment négatif.
Oui, les mentalités ont évolué, la société aussi (bon gré mal gré) et donc, forcément, il doit en être de même des comédies romantiques (on ne compte plus le nombre de cas problématiques dans le domaine). Logique. Revoir Bridget Jones aujourd'hui est une expérience troublante pour l'autrice, en partie parce que celle-ci a basé les tribulations de sa chère protagoniste sur sa propre vie de femme célibataire trentenaire. Mais bien avant elle, de nombreuses journalistes n'ont pas hésité à tacler cette si iconique anti-héroïne.
Comme Suzanne Moore, qui dans les pages du Guardian avoue "la détester". Ce qui a le mérite d'être clair. Selon la reporter, Bridget n'a rien de girl power. Elle est "fade, consumériste, anti-féministe", simplement obsédée par trois choses : "suivre un régime, essayer d'avoir un mec, boire et se sentir mal à ce sujet". Ça tacle !
Alors, faut-il brûler Bridget ? Helen Fielding prône finalement la modération. Car si le personnage subit un sexisme "alarmant", elle ne reste cependant jamais tout à fait passive, observe l'écrivaine. De plus, le discours du film, lui, n'a guère vieilli : "il est toujours aussi difficile d'être une femme célibataire" suggère encore Helen Fielding. On aurait du mal à la contredire. C'est en partie cela qui fait que, d'une manière ou d'une autre, l'on en revient toujours à Bridget Jones. Pour le meilleur et pour le pire.