"Le parcours des combattantes". Tel a été nommé le défilé de mode organisé à Londres le soir du 10 octobre par l'association humanitaire ActionAid. Sur le podium, huit jeunes femmes victimes d'attaques à l'acide au Bangladesh, coiffées, maquillées et radieuses. Elles qui n'avaient jamais quitté leur terre natale, ont fait le voyage jusqu'au Royaume-Uni pour dénoncer ces atrocités, souvent perpétrées par un prétendant éconduit ou leur famille.
Offert par la créatrice de mode bangladaise Bibi Russell, qui avait déjà organisé un défilé à Dhaka sur le thème de la "redéfinition de la beauté" en mars dernier, cet événement a tant touché le public qu'il s'est levé pour danser avec les mannequins. Un hommage à la résilience de ces jeunes femmes qui ont parcouru 8000 km pour assumer les stigmates de leur agression en public.
"Mon engagement est un hommage aux personnes qui ont vécu des actes de violence aussi terribles", a expliqué Bibi Russell au site Refinery29. "Je veux les voir être respectées, avoir des droits égaux et être inclues dans la société. Je veux avant tout que leur dignité humaine soit restaurée [...] J'ai vu leur éclat et leur beauté, je veux les montrer au monde".
Pour Sonali, 15 ans, la plus jeune des survivantes, ce défilé "pourrait donner envie à certains de s'investir dans le traitement des victimes" du vitriolage. Cette pratique barbare et sexiste pratiquée dans de nombreux pays tels que l'Afghanistan, l'Inde, la Colombie, le Pakistan ou encore le Bangladesh, plonge les femmes dans une brutale exclusion de la société. Selon Jah Shah, directeur d'Acid Survivors Trust International (ASTI) cité par Libé, "ces sociétés sont souvent encore très patriarcales, les attaques sont en majorité perpétrées par des hommes contre des femmes, pour des raisons liées à un dépit amoureux".
Pourquoi les toucher au visage ? "C'est symbolique, une attaque contre leur beauté, leur féminité, le but n'est pas de tuer mais de les défigurer, de les stigmatiser socialement". A Londres, plus de 1800 agressions avec un liquide corrosif ont été perpétrées depuis 2008. Selon le quotidien, le nombre d'attaques à l'acide dans la capitale britannique aurait augmenté de 74% en un an (454 en 2016, contre 261 en 2015). Soit au minimum, une par jour. Des chiffres inquiétants qui vont, contre toute attente, à l'encontre de la tendance bangladaise.
ActionAid travaille depuis de nombreuses années avec les survivantes du vitriolage au Bangladesh. En 2002, après de nombreuses campagnes de sensibilisation, l'association est parvenue à faire modifier la législation sur l'importation et la vente d'acide. Un progrès qui aurait fait diminuer le nombre annuel d'agressions de 400 à 100.
"Si je peux changer ma vie, tout le monde le peut : je vivais dans un village avant l'accident et maintenant je travaille pour ActionAid", explique Nurun-Nahar, l'une des survivantes. "Je connais toutes les survivantes (de sa région, ndlr), je peux comprendre à quel point elles se sentent désespérées, qu'elles n'aient plus confiance. J'ai essayé de leur expliquer comment j'avais changé de vie et de leur faire comprendre que si elles modifiaient leur état d'esprit, elles pourraient faire de même".
"Nous célébrons l'esprit de résistance et le changement", a conclu le directeur général d'ActionAid UK, Girish Menon, invitant le public à monter sur le podium.
Pour en savoir plus sur le travail d'ActionAid dans la lutte contre la violence sexiste, vous pouvez aller sur www.actionaid.org.uk. Vous pouvez également manifester votre soutien en utilisant le #withwomensurvivors et visiter leur compte Instagram @actionaiduk.