En ces temps de cérémonies sur-médiatisées, la question de la parité au sein de l'industrie du spectacle se pose de plus en plus. A raison. Hélas, elle sonne aujourd'hui comme un aveu d'échec. Il suffit de voir le sort réservé aux réalisatrices lors des dernières cérémonies des Golden Globes (où sont les femmes ?) et des Oscars (un snobisme tout aussi craignos mais qui a tout de même donné lieu à de belles victoires féminines). Et cet enjeu d'égalité des sexes n'a rien d'une exception culturelle, loin de là. Chez nous aussi, cette quête de parité est largement malmenée. Pour s'en rendre compte, jetons donc un coup d'oeil à l'académie des César...
Sur l'intégralité des membres de ladite académie, fustige Le Monde, seuls 35 % sont des femmes. Et ce malgré l'écho des dernières révolutions féministes, ou plus encore, l'ancienneté de l'événement - la première nuit des César nous renvoyant à l'année 1976. Comment expliquer qu'en dépit de ses plus de quarante ans d'existence, une telle cérémonie se coltine un chiffre si peu égalitaire ? Interrogé sur ce sujet épineux, le président Alain Terzian s'en excuse et promet, à l'avenir, un "rééquilibrage" nécessaire. Trop tard ?
Seulement 35 % de femmes sur pas moins de 4 680 membres, l'écart est prodigieux. "C'est anachronique par rapport à notre société", déplore Alain Terzian dans les pages du JDD. Et le Président de l'Académie (depuis dix-sept ans déjà) de rassurer le lectorat : "Nous allons opérer une révolution culturelle pour atteindre la parité, un vrai 50-50 mis en application sur tous les niveaux". Cette "révolution culturelle" ambitieuse consistera, notamment, à ouvrir à "700 ou 800 femmes" le collège des votants.
Plus de femmes parmi les votantes donc, mais aussi au sein de l'assemblée générale et du conseil d'administration. Des changements qui donnent l'impression que l'Académie émerge enfin d'un long sommeil. "On aurait pu se réveiller plus tôt", admet d'ailleurs sans détour le président. C'est le moins que l'on puisse dire. Malheureusement, ces promesses ont beau bousculer une certaine léthargie (en mettant notamment l'accent sur les inégalités professionnelles), elles ne changent pas grand chose au fiasco que représente (déjà) la future cérémonie des César.
Après une année marquée - entre autres choses - par le témoignage bouleversant d'Adèle Haenel (qui pourrait bien remporter le César de la meilleure actrice cette année) et l'appel au boycott par des associations féministes du film J'accuse (faisant suite aux révélations édifiantes de la photographe Valentine Monnier), l'académie a tout de même fait le choix d'honorer la dernière oeuvre de Roman Polanski en lui attribuant pas moins... de 12 nominations. Un record ! Et une répartie cinglante s'il en est aux nombreux mouvements d'indignations suscités par la médiatisation et l'accueil critique très consensuels du film.
Qu'à cela ne tienne ! Malgré la mise à l'honneur institutionnelle évidente de J'accuse (qui au rang des principales nominations côtoie donc Portrait de la jeune fille en feu, le chef d'oeuvre sororal de Céline Sciamma), Alain Terzian est persuadé que son appel à la parité professionnelle permettra "de montrer l'exemple, et qu'il y aura des répercussions dans tout le cinéma français". Un discours hypocrite ou ambigu ? Rien de tout cela pour le président, qui, interrogé au sujet du film de Roman Polanski, présume au JDD que "s'il y a autant de femmes que d'hommes qui votent, ça changera peut-être les nominations et les palmarès". Un optimisme à toute épreuve.
A propos de cette polémique, Alain Terzian avait encore ressorti il y a peu l'éternel argument de "l'homme et de l'artiste" en rappelant que l'Académie des Césars n'avait pas à revendiquer "des positions morales". Et donc, qu'elle avait tout à fait le droit d'attribuer à J'accuse 12 potentielles récompenses. "Sauf erreur de ma part, 1,5 million de Français sont allés voir son film. Interrogez-les", a par ailleurs ajouté le Président. Le choix de ce palmarès ne reflète-t-il pourtant pas une certaine "position morale" ?